Mon top 10, cru 2013
S'il est des années peu marquantes au cinéma, d'autres au contraire sont le fruit de surprises toutes meilleures les unes que les autres, jusqu'à ne plus savoir où donner de la tête. C'est le cas de 2013 où les salles obscures se sont passées le mot pour me fasciner à de nombreuses reprises, d'une manière sensible et, avouons-le, délicieusement irrationnelle. J'ai aimé ces questionnements sans fin après visionnage d'un film, ces émotions étranges et contradictoires, ces sentiments forts demeurés à l'état brut. Longtemps, je me suis perdue dans quelques bandes-originales à se damner; et plus longtemps encore, mon imagination a vibré au souvenir de scènes puissantes... Du rire, des larmes, des pincements au cœur ou des papillons dans le ventre ? Ce n'est pas particulièrement descriptible au fond, mais ces ressentis ont décuplé mon goût pour le septième art en même temps qu'ils ont aiguisé mes sens, renforcés par une dose d'évasion et son intensité assortie.
C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai décidé de dépoussiérer ma tradition du top 10, celle que je n'avais pas éprouvé le besoin d'effectuer en 2012 (faute de matière), et qui consiste en un bilan cinématographique subjectif. Chose amusante cette fois, il m'aurait assurément fallu un top 20 pour lister ces œuvres hétéroclites qui ont su me toucher là, dans les affectes. Mais il paraîtrait que choisir n'est pas renoncer tant que cela. Aussi ai-je mentionné dans la foulée les jolies découvertes, les divertissements bienvenus et même les déceptions. Alors, parce que de l'action au drame psychologique et du fantastique à la comédie, il n'y a parfois qu'un pas, dites-vous que 2013 au cinéma, c'était une savoureuse mixture dans cet esprit-là...
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Top 10
- Alabama Monroe de Felix Van Groeningen
- Django Unchained de Quentin Tarantino
- La vie d'Adèle de Abdellatif Kechiche
- Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski, Tom Tykwer
- Blue Jasmine de Woody Allen
- Perfect Mothers de Anne Fontaine
- Les garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne
- Jeune et jolie de François Ozon
- La Vénus à la fourrure de Roman Polanski
- Stoker de Park Chan-Wook
Aurais-je manqué quelques critiques lors de mes précédents billets ?
Django Unchained
Tarentino revisite le western-spaghetti avec brio et nous propose, dans la lignée d'un Boulevard de la Mort, un long-métrage jouissif à l'extrême. Avec une mise en scène aussi violente qu'émouvante et un soin du détail hors-du-commun, Django Unchained est un petit bijou déjanté qui mixe l'humour au spectacle avec un talent indéniable.
Cloud Atlas
Un film grandiose qui perturbe et séduit; qui nous perd mais nous captive tout du long. Doté d'une complexité audacieuse et d'une singularité sans limites, Cloud Atlas brille tant par son scénario que sa réalisation et se joue de la temporalité pour mieux nous toucher. Il fallait oser !
Les garçons et Guillaume, à table !
Passer du rire aux larmes sans transition, c'est possible. Avec une émotion palpable mais jamais pathos, Guillaume Gallienne nous embarque dans cette fable autobiographique et déjantée qui nous saisit et nous enveloppe de son humour cruel et de ses sentiments exacerbés. Un vrai-beau moment de cinéma, passablement théâtral.
La Vénus à la fourrure
Film ovni assurément déroutant aux manières raffinées, La Vénus à la fourrure nous bluffe en n'ayant de cesse de nous pousser dans nos retranchements. Beaucoup d'intelligence et de manipulation psychologique pour ce huis-clos puissant dont le jeu dangereux des acteurs émoustille et oppresse jusqu'à une exquise douleur.
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Les bonnes surprises
- Gatsby le magnifique de Baz Lhurmann
Le retour tant attendu de Baz Lhurmann nous offre un véritable show qui coordonne musique et esthétique autour d'un monde imaginaire haut en couleurs et définitivement réjouissant. On en prend plein la vue tout en se laissant délicieusement aller au sein de ce conte grandiloquent, empreint de baroque, de surréalisme et d'excès en tout genre.
- Le monde de Charlie de Stephen Chboski
J'aurais aimé voir ce film adolescente, tant sa justesse de propos, sa finesse et son grain de folie en font une oeuvre à part, intelligente et sans clichés. Cette chronique douce-amère, qui mêle la tourmente à la poésie, sillonne doucement vers une réalité dépourvue de pessimisme quoique non dénuée d'une vraie souffrance, et se pare, pour ce faire, d'un casting fort pertinent.
- The Hobbit: la désolation de Smaug de Peter Jackson
Quelques brèves longueurs mais surtout beaucoup d'aventures pour ce deuxième volet qui se révèle très visuel et truffé d'humour. Un vrai bonheur pour les inconditionnels d'heroïc-fantasy qui peuvent ici retrouver le tempérament épique du genre, tout en restant fidèle à l'ouvrage littéraire. Et puisqu'il aura fallu pas moins de trois films pour un seul livre, on attend donc la suite avec grand plaisir.
- Argo de Ben Affleck
Thriller politique haletant jusqu'au stress le plus palpable, Argo laisse derrière lui une réflexion justifiée. Doté d'une reconstitution soignée et documenté à bloc, le film se pose d'avantage en grand reportage qu'en divertissement et nous offre ainsi un travail admirable sous forme de polar, non dénué de second degré, mais sans jamais s'éparpiller vers de vaines scènes actions. La simplicité paie et Ben Affleck signe là une parfaite réussite.
- Promised land de Gus Van Sant
Cf critique [ici]
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Oui mais...
- The East de Zal Batmanglij
Mystérieux et dénonciateur, The East s'affirme rapidement comme un thriller écolo bien ficelé qui nous maintient en haleine. C'est subversif à souhait et souvent borderline, un bon point ! Hélas, le scénario s'essouffle sur la seconde partie et, ponctué par une romance quelque peu inutile et un brin de mélodrame, il nous offre une fin en queue de poisson, décevante car trop gentillette.
- Happiness Therapy de David O. Russell
Pas franchement convaincue par le film chouchou de tous. Le duo d'acteurs fonctionne certes à merveille et le scénario supporte une construction habile. Néanmoins, les dialogues, souvent beuglés, m'auront surtout essoufflée plutôt qu'émue. Et le comique ici dévoilé sous forme d'une hystérie volontaire n'est pas forcément évident à appréhender. Rajoutons à cela une fin convenue... Je comprends l'engouement mais pour ma part, je passe.
- Inside Llewyn Davis de Ethan et Joel Coen
Une certaine culture du néant puisque le récit de ce looser magnifique, loin d'être un parcours initiatique, ne mène ici... nulle part. Et si à chaque nouvelle mésaventure, l'on se prend à espérer un quelconque changement, il n'en est rien. Aussi, entre une existence pathétique, un ennui réel et des scènes glauques assidues, il semble difficile de se laisser prendre au jeu. Il en reste toutefois un esprit folk acéré (et donc une jolie BO), quelques bons mots, et un portrait décidément très sombre auquel j'aurais aimé attribuer d'avantage de caractère et d'affectes afin de retrouver l'esprit Coen et son humour noir délicieusement décalé.
- The Bling Ring de Sofia Coppola
Le film en lui-même est impeccable, bien mené, bien joué et délicieusement révoltant. Seulement voilà: passée la partie glamour qui n'est pas sans nous rappeler la mise en scène de Marie-Antoinette, il faut sans doute adhérer un brin au sujet pour rentrer vraiment dedans. Et le côté "riches oisives groupies et perfides" n'est de toute évidence pas ma tasse de thé. Moyennement passionnée alors, j'en retiens surtout un quasi-documentaire dont l'ironie à fleur de peau pose là un réel problème de société.
- Casse-tête chinois de Cédric Klapisch
Adepte des deux premiers opus, comme celui-ci semble fade et téléphoné ! Bien évidemment, les scènes cocasses, les quiproquos et les traits d'humour ne manqueront pas de faire leur petit effet, et l'on rit de bon coeur. Mais au-delà, aucune nouveauté à la clé puisque Casse-tête chinois est une pâle copie de ses prédécesseurs qui reprend exactement les mêmes ficelles et les emploie à la sauce new-yorkaise. Un peu dommage et surtout pas très original. J'oserai à peine évoquer le final...
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Dommage !
- Gravity de Alfonso Cuaron
Cf critique [ici]
- Only God forgives de Nicolas Winding Refn
Les dialogues dans un film, c'est bien aussi. Porté par le succès fulgurant et mérité de Drive, le réalisateur n'a semble t-il pas su rebondir et, tout en usant des mêmes codes et ingrédients, les a dispatchés cette fois sans grand intérêt. En résulte une succession de violence, de vulgarité et de vengeance (les 3 V pour une Vendetta ?), sans trop de paroles bien évidemment, le tout porté par une esthétique agressive et assez prévisible, vouée sans doute à affirmer cette ambiance cheap (tamisée, pardon). Si vous aimez l'humour cependant, je vous renvoie volontiers à cet article de Crêpe Georgette [ici] qui dépeint le long-métrage à merveille ;)
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De façon plus légère...
Du divertissement justifié
- Pop Redemption de Martin Le Gall
Quand on nous sert sur un plateau d'argent un premier film divertissant à souhait qui se la joue black metal à la sauce baba cool, on en redemande. Pourvu d'une fraîcheur rock n'roll et d'un humour qui va bien, Pop Redemption est ce long-métrage drôle et enlevé qui parvient à enchaîner tensions et situations déjantées sans jamais s'égarer, et se targue d'une bande-originale qui envoie du bois. Vous êtes d'ores et déjà conviés au HellFest, là où certaines scènes ont vraiment été tournées. Hell yeah !
- Joséphine de Agnes Obadia
Le scénario a beau être bien éloigné de la bande-dessinée et la fin pas franchement originale, Joséphine n'en demeure pas moins un divertissement piquant dont l'univers délicieusement féminin fait de suite son petit effet. C'est énergique, c'est improbable, c'est fou et c'est actuel. Aussi, on n'en retiendra pas le film de l'année mais une comédie dynamique et délirante qui fait mouche de par son humour et nous emporte dans ses gaffes. À recommander les jours de déprime devant un pot de glace et aux côtés de son chat !
- Amour et turbulences de Alexandre Castagnetti
Pas mal construit et somme toute assez percutent, Amour et turbulences doit beaucoup de son charme à ses personnages secondaires loufoques et à ses dialogues, très second degré, à l'humour acéré. Paré de plus d'un duo de choc (Sagnier-Bedos, ça fonctionne décidément bien), le film s'embellit d'une bonne dose de dérision pour offrir à ses spectateurs une comédie romantique française tout à fait honorable, dont les pétillants rebondissements ne manqueront pas de nous faire sourire.
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Up ! Le retour en enfance
- La Reine des Neiges de Chris Buck et Jennifer Lee
Libérée, délivrée... Une bande-son merveilleuse, un film au visuel époustouflant, une histoire poignante et un bonhomme de neige facétieux: il n'en fallait pas d'avantage pour faire de La Reine de Neiges un excellent Disney dont la tendance féerique et l'univers recherché nous rappellent d'emblée l'image des traditionnels dessins animés de notre enfance. Une totale réussite de Noël donc, gorgée d'humour et de péripéties; de celles qui laissent la glace s'emparer de nous pour mieux fondre de plaisir.
- Planes de Klay Hall
Gare aux turbulences et attachez-bien vos ceintures, car tous les coups seront permis pour cette compétition aérienne autour du monde. Plus pêchu que Cars quoique dans la même lignée, Planes, doté d'un périple drôle et tonique, se la joue de toute modernité. Et s'il n'y a pas de quoi fouetter un avion côté originalité, on appréciera l'état d'esprit de ce voyage trépidant, à condition bien sur de conserver son âme d'enfant.
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And finally...
Les navets intersidéraux
- Grand Central de Rebecca Zlotowski
Personnages peu attachants, scènes hasardeuses et construction brouillon... Voici qui commence mal. Au-delà, le souci principal de Grand Central réside sans doute dans cette difficulté de choisir entre la tranche de vie documentaire et la pseudo-romance pour finalement traiter les deux sans grande implication ni empathie. En résulte un film anxiogène, dénué de sentiments forts et privé de la puissance que l'on aurait pu en espérer, rapport au sujet traité. Ou comment avoir l'impression d'avoir clairement perdu son temps.
- Mariage à l'anglaise de Dan Mazer
Une comédie so british agrémentée d'une fantaisie-trash, c'était bien parti pourtant. Hélas, ce Mariage à l'anglaise laisse définitivement le spectateur sur une note de "déjà vu" où le film doit en faire des tonnes pour exister; et de s'embourber lui-même entre gags gratuitement vulgaires et situations d'une banalité assez triste. Dommage mais on en sort amnésique, tellement le scénario est marquant. Les grands-bretons nous avaient habitués à mieux !
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"Bye bye 2013", susurre déjà 2014 enhardie et volontaire. "Tu es de ces années qui nous marquent, et nous façonnent, et nous séduisent. Tu es de celles qui avaient à offrir de belles histoires et une créativité toute en nouveautés. Daigne à présent me laisser montrer de quoi je suis capable moi, et me laisser faire mon cinéma avec fougue et passion." Car c'est un fait: le temps a beau filer, l'imaginaire demeure intact et entreprend de laisser ses scénarios valser dans les plus audacieuses contrées. Se perdre, et puis s'étoffer. Gagner en originalité, en tourmente ou en démence enchantée. Il reste alors quelques mois, onze exactement, pour se prouver encore une fois que tout est à refaire, à réinventer, à transformer... Rêver la vie, l'enjoliver et l'appréhender dans toute la splendeur de sa liberté, forme de "super 8" moderne aspirant à des ouvrages frémissant de qualité. Et puisque mes goûts s'étalent ici avec la plus évidente subjectivité, me voici toute ouïe pour recevoir vos avis, vos remarques, vos désaccords ou vos idées, histoire que nos pensées puissent être partagées et argumentées sans plus tarder !
-Livy-