Et un, et deux, et trois.... Cinéma !
Stupeur sans tremblement ! Je serais plutôt du genre à râler que mes salles obscures préférées ne me dispensent d'absolument aucun navet et pourtant, elles sont parvenues, cette fois, à me laisser bouche bée pour un petit moment. En effet, afin de débuter une année cinématographique de toute beauté, je me suis vue tour à tour enchantée non par un, ni même deux, mais carrément trois films coups de coeur qui ont su d'emblée prendre toutes mes émotions d'assaut. Vous y croyez vous, à ça ? Car moi, je n'en reviens toujours pas...
Une grande première pour un si court laps de temps donc, je dois bien l'avouer. Mais si je n'en demandais pas tant, je ne pourrais nier que cette surprise de taille m'a littéralement ravie autant qu'impressionnée.
C'est ainsi que, me laissant aller à mes rêveries ultimes d'absolu et de perfection, j'ai pour l'instant décidé de faire une franche impasse sur tous les autres films visionnés afin de me focaliser sur quelques réalisations parfaites, parsemées de "vrais" scénarios, de quelques idéaux et d'une beauté exquise, dans le drame ou le ressenti...
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Black Swan de Darren Aronofsky
Ca parle de quoi ?
"Dans la troupe du New York City Ballet, Nina, jeune et talentueuse danseuse, est prête à tout pour obtenir le rôle principal du Lac des cygnes que dirige l’ambigu Thomas. Mais elle va bientôt se trouver confrontée à une rivalité que provoque la belle et sensuelle nouvelle recrue, Lily, et plus encore, à la complexité du personnage pluriel qu'elle convoitait sans en avoir imaginé les conséquences..."
Parfois provoquant, outrancier et toujours électrique, Black Swan et sa supposée thématique de la danse classique et du ballet est une sorte d'ovni qui se joue des clichés, au moyen d'un lyrisme fantastique passionnant, pour devenir à peu près tout ce à quoi l'on ne s'attend pas. Et rien que pour cela, on est bluffé. Car trash ou poétique, brillant et insoutenable, violent mais empreint de grâce, ce film sous tension ose une performance hors du commun qui a de quoi éveiller une curiosité certaine dans le traitement même de son sujet, aussi singulier que délicat. La magie opère ainsi rapidement, exerçant sur le public une fascination brutale et entêtante, sans jamais relâcher la pression. C'est d'ailleurs là où Aronofsky excelle, apportant à son oeuvre une force inattendue, s'en allant presque jusqu'à la torture au sein de la douleur s'amplifiant, qui ne peut laisser indifférent. De la sorte, les hermétiques des ballerines en général y trouveront peut-être finalement plus d'intérêt que les inconditionnels des ballets, adeptes d'un certain classicisme. Car ce n'est pas tant la danse qui est mise à l'honneur ici, quoique, mais plutôt la montée en puissance de la souffrance et l'angoisse, ligne de mire de cet haletant thriller, soigné à la perfection et dont l'esthétisme incandescent n'a d'égal que la prestation époustouflante de Natalie Portman.
Relégué ainsi comme fil conducteur, l'art est le moteur qui propulse toute la psychologie voire la pathologie de Black Swan et dévoile progressivement une schizophrénie inquiétante de l'être. Adulé ou détesté, c'est selon, le film s'en va crescendo et, par ses prises de vue, dérange assurément, mettant l'accent sur les tourments de l'âme les plus obscures où se mêle un aspect gore certain, qui renforce le scénario plus qu'il ne le dessert.
Dans un ultime décor enfin, transcendant l'extrême beauté de la danse, son final est une explosion jouissive et éblouissante, qui fait rejaillir sur la merveilleuse musique de Tchaïkovsky, tout le passif d'une héroïne en perdition, dont les problèmes psychiques ne tendent pas tant à la rigueur de son rôle "qui rend fou" qu'à une enfance passée aux côtés d'une mère qu'on pourrait aisément qualifier de maléfique.
Dualité exquise des ténèbres et de la lumière, la fatale réflexion de Black Swan est un joyau brut et complexe certes, mais au talent avéré et à l'efficacité inaltérable, onirique en diable et délicieusement imprégné d'une noirceur poétique. Un conte terrifiant et magique à ne manquer sous aucun prétexte !
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Somewhere de Sofia Coppola
Ca parle de quoi ?
"Johnny Marco, auteur à la réputation sulfureuse, mène une existence oisive et quelque peu blasée à l'hôtel du Château Marmont à Los Angeles. Tout change brusquement lorsqu'il reçoit la visite inattendue de sa fille de onze ans. Peu à peu, père et enfant vont s'apprivoiser et se découvrir réellement, dans le tumulte d'un cadre peu propice et d'une vie agitée, mais qui va leur permettre de créer de véritables liens et une belle complicité."
Film langoureux d'une pudeur tout à fait charmante, Somewhere prolonge avec une vraie sensibilité l'état d'esprit du cinéma selon Sofia Coppola qui se plaît aussi bien à ironiser sur le système hollywoodien, le concevant de façon jubilatoire et passablement cynique si ce n'est blasée, qu'à nous offrir un moment père-fille aux sentiments très délicats, gorgé d'affection et de regards qui en disent long, à l'image d'une belle leçon de vie.
Car le scénario ici, est aussi subtil que sous-jacent, jouant à fond la carte minimaliste avec une audace suggestive, et nous laissant intelligemment le temps de la réflexion plutôt que de susciter un éventuel ennui. Le film prend ainsi son temps et laisse vagabonder les esprits, non sans un certain côté osé dans l'évocation de son thème, mais s'égarant avec une lenteur bienvenue dans un univers ouaté qui remplit une tranche de vide par de la vie, au moyen d'une douceur exquise renforcée par la musique planante de Phoenix.
Avec talent, la jeune réalisatrice multiplie dans ce sens non-dits et silences mélodiques pour nous en raconter d'avantage et le résultat, parsemé d'une harmonie certaine et d'une gestuelle spontanée, est troublant de vérité et de justesse. La poésie qui s'en dégage en devient au fur et à mesure la corde sensible, énigmatique à souhait et joliment nostalgique pour ne pas dire autobiographique, nous touchant jusqu'au plus profond de nous-même.
Au final, le portrait masculin du héros est pluriel et attachant, tout comme son lieu de résidence et ses pérégrinations fantasques au sein d'un métier dont il s'affranchit doucement, se plaisant à se trouver un vrai rôle cette fois, sensé, impromptu et loin de toute forme de comédie, tel que peut l'être celui d'un père.
La performance même des deux acteurs principaux est un régal, la sobriété du film, une entière réussite. Et si ce n'était l'erreur bien dommage d'apparitions du micro et de la perche dans quelques prises de vue, on pourrait évoquer un chef-d'oeuvre intégral, empreint de zénitude, où le temps semblerait s'être arrêté dans une chambre d'hôtel ou au détour d'une route. Le tout pour un moment de cinéma peu habituel, il va de soi, mais dont l'aspect quasi-documentaire au sein d'une sorte d'anti-romanesque voulu nous laisse admiratif, tant il parvient envers et contre tout à dégager de réelles émotions. Qui l'eût cru ?
Un joyau très second degré, à suggérer amplement aux habitués ;)
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Le discours d'un roi de Tom Hooper
Ca parle de quoi ?
"L’histoire vraie et méconnue du père de l’actuelle Reine Elisabeth, qui devint, contraint et forcé, le Roi George VI, suite à l’abdication précipitée de son frère Edouard VIII.
D’apparence fragile, incapable de s’exprimer en public et considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI, bègue, s'est vu en très peu de temps obligé de surmonter son handicap. Grâce au tendre soutien de sa femme et avec l’aide d’un thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles, il tenta d'affronter ses peurs et de vaincre son bégaiement afin d'assumer pleinement son rôle et de faire de son empire le premier rempart contre l’Allemagne nazie."
Un film superbe et remarquable, plusieurs fois primé à juste titre, et qui donne aisément le goût de ne plus quitter les salles obscures. D'ailleurs, c'est bien simple, il n'y aurait presque rien à redire tant il se démarque par sa quasi-perfection. Et pour cause ! Le discours d'un roi, en plus de sonner juste à tous les niveaux, apporte un nouvel essor aux longs-métrages historiques, plus dynamique et plus enjoué dans son entité, en dépit d'une linéarité absolue de scénario. Mais au-delà, le biopic dévoile progressivement de petites parcelles de malice. Sa thématique peu commune est un choix aussi intelligent que brillant, par sa rareté surprenante, et se laisse désirer pour mieux séduire, sans toutefois trop en faire.
Parallèlement, le film regorge de cet humour "so british" qui me colle à la peau, et laisse ainsi libre cours à l'interprétation savoureuse de ses personnages principaux, qui se parent de bons mots et de grimaces, dans quelques scènes décidément succulentes si ce n'est désopilantes, apportant à l'ensemble un aspect humain et joliment naturel, gorgé de sentiments fort plaisants qui tendent à l'amitié et une tendre affection plutôt qu'à un vilain mélo.
Il va sans dire en effet que le duo Firth/Rush fonctionne à merveille et s'émancipe tout du long sans fausses notes, mêlant l'élégance à la drôlerie, le charisme à la colère, et créant somme toute un climat qui nous sied parfaitement et dans lequel on pourrait presque se reconnaître, même en se positionnant totalement en dehors du sujet. Ajouter à cela le jeu admirable, pour une fois très posé pour les besoins du rôle, d'Helena Bonham Carter et le casting nous apparaît alors comme une véritable révélation.
C'est traditionnel et loufoque, historique et débridé, sérieux et anecdotique... En bref, une analyse très antithétique qui confirme un charme fou décidément amusant et attachant, jusque dans son aspect le plus rigoureux. De ce fait, Le discours d'un roi passionne tant les amoureux de l'Histoire que ceux des scènes plus cocasses, et nous en ferait presque oublier son aspect de base, classique et sans" action" à proprement parler, en lui conférant, par petites touches savamment disposées, une belle originalité de propos, transcendée par un temps fort, suspense empreint de gravité du discours final, tant on se prend au jeu.
Le film est stimulant, pertinent, bien traité et vraiment rien à lui reprocher si ce n'est peut-être son aspect parfois trop édulcoré. Mais pour les vrais fanatiques du cinéma anglais, il semble impératif d'y aller et de le visionner en VO évidemment, pour le savourer de fond et comble et gagner en puissance comme en intensité...
-Livy-