Il ne fallait pas manquer... Woodkid au Zénith de Paris
Premier concert de l'année et premier coup de coeur, serait-ce possible ? Il semblerait bien que oui. C'est du moins ce que Woodkid a prouvé sans mal à son public le 7 février dernier au Zénith de Paris, pour quelques heures d'un show époustouflant. Par chance, j'y assistais. Et c'est sans originalité mais avec un enthousiasme évident que je vous avouerai avoir été subjuguée du début à la fin. Retour sur un évènement musical qu'il ne fallait décidément pas manquer...
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Woodkid pour moi ?
Une découverte d'il y a quelques années. La musique entêtante d'une publicité ("Iron" pour Assassin's Creed: Revelation), l'envie furieuse d'en découvrir d'avantage, puis The Golden Age en écoute assidue; mes playlists s'en seront d'ailleurs inspirées. Un seul homme pour tout gérer et une orchestration symphonique des plus inhabituelles; de quoi crier au génie. Outre le son indie-pop relativement insolite, on notera d'ailleurs le travail pluriel de Yoann Lemoine (ce dernier a collaboré aux clips de nombreux artistes tels Moby, Katy Perry ou encore Lana del Rey), touche-à-tout talentueux, du graphisme à la musique. Pas de "vrai" coup de coeur cependant pour l'album dans un premier temps mais plutôt un intérêt réel, quelque chose qui intrigue et que l'on ne parvient pas bien à définir. Loin des simples chansons "love at first sight", comme j'aime les appeler, de celles qui nous entraînent de suite mais qu'on oublie dans la foulée, j'ai vite décelé chez Woodkid un univers tout autre, sensé bien sur, et d'une extrême richesse, tant dans les choix musicaux que dans la prise de risques. Une certaine redondance dans la partition, puissante et introspective, qui s'apprécie d'avantage par bribes qu'en continu et s'apprivoise avec le temps. Et fatalement, un album qui s'impose comme un ovni sauvage, sensible, indomptable. En bref, une claque musicale évidente dont on sort difficilement indemne.
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Et le concert dans tout cela ?
La même chose... mais en mieux. Accompagné d'un orchestre symphonique pour l'occasion, Woodkid aura littéralement embrasé le Zénith de Paris ce 7 février, laissant les jeux de lumières envahir l'espace au son vibrant de sa musique. Mais laissez-moi plutôt vous dépeindre le tableau...
Les premières notes envoûtent d'emblée à mesure que le visuel devient hypnotique: le live met la barre très haut dès le début. Une étrangeté bienveillante et définitivement mystique plane au-dessus du Zénith, et la soirée de s'en aller crescendo. Car non content de présenter un show léché à son public, l'artiste se donne ardemment, mixant l'émotion à fleur de peau à un grain de folie bien senti. Pendant près de deux heures, Il revisite son album dans son intégralité, y ajoute de petites touches personnelles (une jolie déclaration à Paris de la part du français sur le morceau Brooklyn notamment) et nous fait même la surprise d'un nouveau titre en exclusivité, Go.
Sa voix est enchanteresse, un brin surnaturelle parfois: elle raisonne, frémit, hurle... Et dans cette ambiance quasi-religieuse, transmet des messages avec une absolue justesse. De l'ennui alors, il n'y aura point. Si la musique est harmonie, Woodkid la parsème également d'une gestuelle tantôt rock tantôt hip-hop, jouant la carte du contraste absolu au sein d'un spectacle lumineux qui envoie du bois. Ce drôle de personnage nous présente ainsi son style décalé et équivoque, imaginaire fascinant entre puissance et sentiments mêlés, jusqu'à trouver l'accord parfait. La perfection toutefois n'est pas ici un problème qui impliquerait un concert trop lisse ou trop propre, loin de là. Au contraire, elle est la base sur laquelle la musique s'émancipe. Alors, quand tout se déchaîne, des réminiscences d'enfance viennent hanter -voire heurter- des percussions plus viriles pour notre plus grand plaisir.
Ces percussions marqueront d'ailleurs l'un des temps forts de la soirée. Profitant de l'avancée de la scène, les tambours se dressent les uns derrière les autres, et jouent dans un silence absolu (Cf photographie). Il n'y a qu'eux, seuls aux mondes et synchronisés avec une maîtrise remarquable, à se déchaîner ardemment et faire trembler le Zénith sans plus attendre. C'est un moment intense, un moment de partage. Le public scande, s'agite et danse sans fin pour les musiciens. Précisément le souhait de Woodkid, dans une approche altruiste de son art. Loin d'expédier l'orchestre de côté, ce dernier est mis en avant et même chorégraphié avec un souci esthétique évident, laissant la part belle au rêve comme à la musique. Puis, reprenant la main, Yoann Lemoine entame une seconde partie de live encore plus extrême, enhardie par cet interlude inopiné qui en aura séduit plus d'un.
Jusqu'aux rappels alors, symbolique et réalisme n'auront de cesse de se confronter dans l'imaginaire délicieusement tourmenté de Woodkid. Notre barbu se laisse autant porter par le son qu'il le porte lui-même, bel effet de réciprocité qui implique une communion de sa part avec les instruments et les orchestrations. Jamais ancré dans le "perso", il fait également preuve de traits d'humour à l'égard du public, communiquant joyeusement tout du long avec un Zénith qui, tout comme lui, parle français. Le courant passe à merveille, la magie opère. Il s'approprie les notes, toujours et encore. Et alors que les chansons de fin proposent des instrumentales variées et très dynamiques, le concert s'achève par un morceau d'une infinie douceur, ambiance quasi-poétique à la clé et témoignage sous-jacent d'une sensibilité assumée. Grandiose.
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Et puis les lumières se sont rallumées, signal un peu flou de fin de soirée... Une semaine est passée depuis mais j'ai ramené du Zénith des souvenirs qui sont loin d'être taris. De Woodkid en effet je retiendrai tout, la force et l'énergie, la fragilité et le fictif. Émoustillée par l'album et motivée par un talent si vif, je ne m'attendais tout de même pas à recevoir une telle claque en live, et pourtant ! C'en fut une comme jamais. C'est ce que j'aime au fond: qu'un concert me touche, me pousse dans mes retranchements, me grignote de l'intérieur, le tout avec cette insolence très digne qui lui va bien. Car l'intelligence de Woodkid, non content de livrer sans concessions cette perle musicale à l'état brut, est de nous avoir proposé un show dingue et réfléchi à la fois, usant du graphisme sans demi-mesure afin de transcender la musique. Défiant conventions et habitudes, il nous a entraîné avec lui vers quelque chose d'assez visionnaire somme toute, et sans aucune fausse note. Un pari réussi qu'on espère bien voir renouvelé dans un avenir proche.
-Livy-
BONUS
Un brin de musique ?
--> Woodkid - Iron <--