Balades et expositions d'hiver au Louvre et à Orsay
Deux, trois petites semaines se sont écoulées depuis mon dernier post déjà. Le temps file à toute vitesse, je n'en reviens pas. Plongée tour à tour dans un univers parisien ouaté-enneigé, puis au sein de joyeuses festivités et enfin sous ma couette, assommée par une grippe de saison, il serait maintenant de bon aloi que le blog reprenne du poil de la bête, tout autant que moi ! Mais que dire, et surtout par où commencer, lorsque mes pensées fusent plus vite que mon clavier ? Des sorties qui affluent, des souvenirs qui s'entassent et ma mémoire en overdose... Pas si évident de faire un choix. Pourtant, je pense le voir se dessiner. Une jolie balade culturelle étant toujours la bienvenue, c'est au sein des musées du Louvre et d'Orsay que j'éprouve l'envie de vous entraîner de ce pas, dans les coulisses de deux grandes expositions terminées il y a peu, qui ont marqué les esprits et ont su s'imposer fièrement au cours de ces derniers mois. Un coup de coeur, une déception, la subjectivité de rigueur et mes vives impressions. Je me ferai un plaisir assurément de vous y guider comme il se doit.
*
L'impressionnisme et la mode au Musée d'Orsay
Avoir l'idée d'effectuer un parallélisme entre d'inoubliables tableaux impressionnistes et les robes d'époque désormais immortalisées en leur sein: je n'aurais pu rêver mieux. Il faut dire que si le courant artistique est d'avantage connu du grand public pour ces paysages sacrés et la justesse des scènes représentées, il n'en demeure pas moins étonnamment humain et vivant, faisant alors jaillir un quotidien aussi trépidant que diversifié. Dans ce contexte, les vêtements apparaissent d'emblée comme une évidence, d'autant plus que la fin du XIXème et le début du XX ème siècle ont su développer une vision nouvelle de la mode, surfant tour à tour sur des codes anciens ou des tendances en plein essor. Mais comment alors traiter le sujet sans s'égarer ? L'exposition semble avoir trouvé un ton approprié et judicieux afin d'allier des ouvrages connus de tous au chic citadin qui caractérisait ces derniers. Ainsi, de Manet à Degas puis de Caillebotte à Monet, Renoir ou encore Bazille, L'impressionnisme et la mode a su dévoiler une large palette de peintres talentueux, nous laissant de prime abord nous (re)plonger, huiles sur toiles à l'appui, au gré des flon-flon de quelques guinguettes en bord de Marne ou autres déjeuners sur l'herbe pour mieux intégrer le vêtement dans son ensemble. Et parlons-en du vêtement: loin d'être ici simple artifice, il est à prendre comme symbole d'une période, d'une classe sociale libre et huppée et, dans l'absolu, d'un grand pas vers le modernisme comme en témoignent d'ailleurs de nombreux et célèbres noms évoqués au fil des salles (C. Baudelaire, G. de Maupassant, T. Gautier... pour ne citer qu'eux). Emblématique et élégante, la tenue s'en trouve sublimée. Elle révèle, par le biais de mille petits détails, l'état d'esprit d'une époque désormais révolue, ses us et coutumes et même ses failles. Le vestiaire masculin, de la sorte, laisse parler l'environnement historique et politique à travers lui dans une élégance parfois un brin austère mais toujours de bon goût.
Cependant, c'est à la féminité que la visite consacre sa plus grande partie et présente de surcroît la "parisienne" au summum de sa beauté. "La mode est française simplement parce qu'elle ne saurait se passer du concours de la Parisienne" nous susurre Emmeline Raymond sur les murs d'Orsay. D'ailleurs, c'est un fait avéré: "La Parisienne n'est pas à la mode, elle est la mode..." renchérit Arsène Houssaye sur ces mêmes murs. Autant de citations qui en disent long sur l'impact du costume et les tendances de la capitale.
(Albert Bartholomé, Madame Bartholomé, 1881)
Parfois, l'exposition positionne tableaux et robes côte à côte dans un souci de ressemblance et d'inspirations. Puis elle liste avec minutie les accessoires, les chaussures et les textiles, de la belle saison aux mornes jours. C'est une pluie de drapés, une invasion de dentelle, des bottines aux talons qui claquent et le raffinement des ombrelles. Jusqu'à être transportée moi-même en plein impressionnisme dans le cadre de cette scénographie magique. Sans doute dans un champ de coquelicots, je serais prête à parier. Le romantisme y côtoie aisément un jeu de séduction assuré et langoureux (Manet nous affirme que "Le corset de satin, c'est peut-être le nu de notre époque...") lorsque l'on ne sait plus au juste si les peintres se sont appropriés les costumes ou s'il s'agit de l'inverse. Ce qui est sur en revanche est que le résultat obtenu est saisissant de réalisme voire d'émotion, tant ces vêtements sont gorgés d'un passé qui ne cesse de captiver.
Que penser alors de la salle finale, vraie cerise sur le gâteau et belle surprise au demeurant ? Elle nous aura définitivement fait remonter le temps, nous invitant aux plaisirs de plein air dans un joli jardin imagé. Une luminosité différente, comme ensoleillée. Sur le sol, du gazon. Et sur les murs, des toiles de Monet. Inventif et remarquable. Il n'en aura guère fallu d'avantage pour que je tombe en pâmoison. En effet, la force de L'impressionnisme et la mode est d'avoir créé cette comparaison intelligente entre deux thématiques qu'on ne lie, de toute évidence, pas suffisamment. Il ne faut pas songer une minute que ces effets de styles et habillements, subtilement immiscés entre les tableaux, puissent être cantonnés à une fashion week d'un autre temps ou une affaire girly. Au contraire, la "mode" révèle ici une puissance et un caractère bien trempé qui ont su inspirer dignement tout un courant artistique, celui-là même qui l'a finalement transcendée. Il en résulte un duo épanoui dans un souci de cohérence exquise, au fur et à mesure d'une visite un brin tamisée qui, à chaque pas, s'est mise en quête d'une véritable identité à découvrir. Du grand art.
Souvenirs d'une journée...
Le parvis de l'ancienne gare d'Orsay se pâme, presque immortel...
... Puis nous invite sous sa verrière aux mille surprises...
... Quand soudain proches du point culminant, le temps se fige...
... Et contemple Paris avec une bienveillance solennelle.
Pêle-mêle de robes impressionnistes.
*
Raphaël, les dernières années au Musée du Louvre
Changement de registre évident avec cette exposition dont on soulignera au passage, non sans enthousiasme, un agencement très bien pensé et un bel espace de visite. Truffée d'oeuvres inédites en France, Raphaël, les dernières années nous emmène en pleine période Renaissance italienne, à la découverte d'un peintre dans tous ses états, le souci du détail à la clé. Et si l'on assimile volontiers Raphaël à ses confrères Michel-Ange et Léonard de Vinci, à juste titre d'ailleurs, il s'agit d'avantage ici d'une rétrospective sur l'homme en tant que tel, son cheminement artistique et sa maturité. Il semblerait en effet qu'il n'ait cessé d'évoluer tout au long de son existence pour développer progressivement une sensibilité hors-paire par le biais de son pinceau et, accessoirement, un caractère plus affirmé dans sa peinture. Il est vrai que les différents ouvrages présentés méritent amplement leur qualificatifs de "chefs-d'oeuvre" tant le mouvement et l'expression sont criants de force et de réalisme.
Sans doute plus timide au début de sa carrière, l'artiste est parvenu à passer du descriptif au vivant, non sans pertinence. Ses portraits notamment, illustrent plutôt bien ce dernier point puisqu'ils se sont étoffés au fil du temps dans une prise d'assurance notoire. Plus de prouesses techniques, d'observation, de psychologie, sans oublier un aspect novateur évident... Rien ne semble avoir été laissé au hasard en dépit de quelques libertés de-ci delà. De salle en salle alors, le visiteur curieux découvre, par le biais de ses oeuvres, un homme que rien n'efface ni n'altère, une personnalité volontaire voire écrasante, et un talent inénarrable.
D'autre part, Raphaël, les dernières années lève le voile sur un thème totalement inconnu pour moi jusqu'alors, mais pilier central de l'exposition. Prenant de l'importance, l'artiste avait, somme toute, fondé son "entreprise". Notons que le maître influent, loin d'être un solitaire, était à la tête d'un atelier composé d'une cinquantaine de personnes. Il pouvait ainsi mieux gérer les diverses commandes qu'il recevait, dans un délai moindre. Dès lors, nous faisons connaissance avec ses deux meilleurs élèves, Giulio Romano et Gianfrancesco Penni, ceux-ci mêmes qui ont oeuvré sans relâche et se sont, années après années, imposés vaillamment, tant et si bien qu'il n'est pas aisé pour un novice de distinguer les travaux de Raphaël de ceux de ces derniers. Le comparatif, les rapprochements, la mise en relation et l'héritage laissé constituent une immense richesse dont l'intérêt est aussi essentiel afin de mieux percevoir les styles de chacun et surtout "comprendre", ne serait-ce qu'un peu, la perception artistique et intellectuelle de Raphaël.
Reste qu'en dépit de toute bonne volonté, je demeure insensible à cette expression artistique... L'omniprésence de la religion au sein de l'oeuvre du maître, entre deux représentations christiques et quelques commandes effectuées pour le Vatican, rend l'ensemble indigeste à mes yeux. Cette volonté du Sacré et l'idée même de rester continuellement sur des thématiques très ciblées (Saint Jean-Baptiste, l'enfant Jésus, la Madone...) ôte progressivement toute forme de spontanéité, de liberté, mais aussi de ressenti. Se forme alors, outre des contrastes lumineux absolument éblouissants, un aspect répétitif quasi-redondant qui reste difficilement abordable lorsque le thème, en toute subjectivité, n'est pas parlant. Un peu dommage, me direz-vous, de rester devant un tableau en le trouvant beau, sans pour autant qu'il vienne à nous, nous conter son histoire...
*
Je reviendrai bientôt certainement, vous parler d'expositions; et puis d'émotions.
Mon blog trouve à peine le temps d'exister que déjà mes visites et curiosités parisiennes se font légion.
Mais puisque pour mon prochain billet, je prendrai la plume sur une autre de mes passions,
Je vous souhaite dès à présent une jolie fin de semaine et ce, sans transition.
-Livy-