Mon top ten, cru 2011
A l'aube du mois de juillet, mon billet cinématographique "spécial 2011" semble être enfin rédigé. Faut-il que ma pause bloguesque m'ait un tant soit peu décalée ! Certains pourraient d'ailleurs se demander pourquoi ne pas tout simplement l'oublier aux profits d'évènements récents qu'il me siérait tout autant de vous conter mais c'est un fait: dans mon monde imagé, la richesse du présent puise souvent sa force dans les trésors du passé, raison pour laquelle je n'aurais manqué ce rendez-vous pour rien au monde, l'hiver comme l'été. Rituel sacré, généralement de chaque début d'année, le souvenir de tant de moments dans les salles obscures est une délectation des sens que ces films, laissés pêle-mêle, retracent sans se lasser. Et dans les tréfonds d'une subjectivité qui se créée, les idées fusent quand les souvenirs refusent d'être mis de côté.
2011 aura sans doute été l'un des meilleurs crus qu'il m'ait été donné de partager. Entre un appel à la réflexion et un chant gorgé d'émotions, la frontière est souvent mince et l'année aura semé au gré des mois ses perles et joyaux dans un réalisme brut ou un onirisme patenté. C'est dire si établir un classement aura été plus rude que jamais, en m'imposant évidemment une ligne de conduite, tout autant qu'une vraie liberté. Et parlons-en de cette liberté ! De merveilles en déceptions, il m'a semblé aussi intéressant de ne pas apprécier certaines oeuvres que d'en aduler d'autres, de m'ennuyer que de m'enthousiasmer. De laisser le libre-arbitre fonctionner, somme toute, dans un élan de sincérité que nul ne pourrait me reprocher ("Certains sont habillés pour l'hiver !" m'a lancé le meilleur ami geek amusé) et ainsi établir un barème qui, en un sens, pourrait bien me ressembler.
J'ai totalement conscience toutefois que ce post n'est rien d'autre que le simple reflet de mes choix, mes goûts, mes pensées. Une vraie critique dans toute l'acception du terme, à approuver ou décrier, à compléter et argumenter. Le tri de toute une année. Et puis les malheureux oublis liés à mon manque d'assiduité que je me devais de réparer. Mais vous laissant à présent avec ces quelques épanchements créatifs triés sur le volet, je vous donne un rendez-vous énigmatique à mi-chemin entre l'imaginaire et la réalité.
Top 10
- Melancholia de Lars von Trier
- La guerre est déclarée de Valérie Donzelli
- Black Swan de Darren Aronofsky
- Midnight in Paris de Woody Allen
- Drive de Nicolas Winding Refn
- Polisse de Maïwenn
- Somewhere de Sofia Coppola
- La piel que habito de Pedro Almodovar
- Le discours d'un roi de Tom Hooper
- 127 heures de Danny Boyle
Aurais-je manqué quelques critiques lors de mes précédents billets ?
La guerre est déclarée:
Étonnante surprise de l'année 2011, voici un long-métrage qui m'aura bouleversée bien malgré moi, me faisant couler l'eau des cils comme rarement au cinéma. Audacieux, tourmenté, cassé, La guerre est déclarée, loin de s'apitoyer sur son sort, est un grand cri de vie à la puissance poétique enthousiasmante comme jamais. Surfant intelligemment sur une très large palette d'émotions, le film est d'une justesse imparfaite, tout simplement délicieuse, qui l'humanise autant qu'il nous saisit. Aussi, quand sa fraîcheur se mêle à sa noirceur, et son bel espoir à un sombre dessein, l'ensemble se révèle aussi enflammé qu'une chanson de Biolay, douloureux et tendre à la fois. Le spectateur ainsi perdu dans une folle adrénaline doublée d'une chorégraphie torturée se prend au jeu de cette course contre la montre et la maladie. Le pathos s'éloigne quand la dignité resurgit. Il y a dans cette guerre une fragilité tonique, un humour sensible... Tout ce qui constitue, somme toute, la grâce de ce film et le rend invincible, envers et contre tout. On pleure, on rit. Le scénario se déroule à l'infini dans une mise en scène inventive et développe avec rage la soif de se surpasser encore et toujours, dans les affres d'une vie saccadée dont les épreuves font la beauté. Chapeau bas.
Polisse:
Polisse est un film nerveux, tranchant, à fleur de peau. Un film qui montre peu et qui en dit long. Un film qui s'en va puiser dans les failles toute sa signification. Un vrai bon film en quelque sorte, perturbant de par sa tonalité hybride et attachant jusqu'à l'extrême. Tourné tel un documentaire choc, la justesse de ses propos impressionne quand son sujet terrifie, sans jamais toutefois -très bon point- tomber dans le glauque. Bien au contraire, ses protagonistes nous bouleversent étrangement, jusqu'à nous retourner le coeur et nous laisser happer par leur quotidien difficile. Maïwenn parvient ainsi à réaliser un trésor de réalisme, poignant au plus haut point et résolument humain. Car rien n'est simple ici, et les récits qui défilent et se heurtent dévoilent une réflexion âpre empreinte d'un raisonnement argumenté et réfléchi. Porté de plus par une pléiade de comédiens tous plus talentueux les uns que les autres, le long-métrage intrigue, fait mouche et percute avec ce naturel désarmant qui me plaît tant. Pour sur, il développe une thématique au traitement passablement atypique... Mais qu'on accroche ou que l'on y soit hermétique, Polisse fait partie de ses ovnis du cinéma qui ne peut en aucun cas laisser indifférent.
On ne pouvait pas passer à côté de...
- The Artist de Michel Azanavicius
- Intouchables de Eric Toledano et Olivier Nakache
- Harry Potter et les Reliques de la Mort, part 2 de David Yates
Si pour les aventures finales du petit sorcier, je vous laisse vous référer à un précédent article qui les ont fortement mentionnées, laissez-moi donc vous toucher deux mots sur...
The Artist:
Sur tous les fronts fin 2011, The Artist est à mes yeux un bon film sans relever de l'extraordinaire pour autant. Son scénario notamment m'a laissée quelque peu sur ma faim de par sa pauvreté. Seulement voilà. Le réalisateur a su trouver le "truc" pour faire décoller son oeuvre, jouant à merveille sur le registre rétro, le son comme fil conducteur. Dès lors, la magie poétique opère. Du noir, du blanc, du costume suranné et des chorégraphies charmantes.... L'ensemble est très bien huilé et nous entraîne, tambour battant, dans un conte improbable et attachant qui cumule les bonnes idées. Véritable hommage au cinéma, The Artist se plaît à jouer avec les codes du septième art d'une très jolie façon, de ses débuts à aujourd'hui, et laisse derrière lui un agréable parfum d'antan. Servi de plus par un Jean Dujardin en grande forme, voici un petit plaisir dont on ne se lasse pas. On lui pardonnera volontiers alors sa simplicité enfantine, ses clichés et autres anachronismes pour entrer dans la danse et passer un excellent moment.
Intouchables:
On pourra dire ce que l'on voudra sur l'aspect commercial de ce film mais le duo Omar Sy/François Cluzet fonctionne à merveille et nous entraîne sans plus tarder au sein de cette histoire vraie, humour décapant à l'appui. C'est enlevé, jovial, décalé et parsemé de scènes inattendues... Bref, on en redemande d'autant plus que sur un sujet où nombreux se seraient cassés les dents, Intouchables réussi le pari de nous offrir une franche comédie et d'y mettre, pour ce faire, toute la finesse et l'énergie nécessaires. Comme il est plaisant alors de rire de bon coeur devant une thématique grave et pourtant totalement assumée ! Le film est un bijou de drôlerie absolument improbable, empli de mots savoureux et de clins d'oeil délicieux, donnant une belle réplique au fameux proverbe des "contraires qui s'attirent". Efficace en diable, il joue sur la corde sensible pour mieux s'en défaire, nargue son spectateur et lui en fait voir de toutes les couleurs sans commettre d'impairs ni de fausses notes. Qu'à cela ne tienne, c'est un régal pour les zygomatiques à ne manquer sous aucun prétexte. On vous aura prévenu.
Une excellente surprise
De suite, des mots comme "jubilatoire" ou "jouissif" me viennent en tête. Ce huis-clos dénonciateur et délicieusement cruel est juste une petite merveille, un massacre génial où la tension se suffit à elle-même pour créer le film et en faire un jeu aussi horrible que réjouissant. En effet, au-delà de cette plaisante pagaille générale, Carnage est essentiellement un film habile et intelligent qui prend un malin plaisir à diminuer les donneurs de leçon et mettre en avant les penchants les plus vils et instinctifs de l'humanité. Chaque défaut est passé au peigne fin et nul n'est épargné. La surface policée, celle-ci même qui sonne faux, laisse rapidement place à une électricité qui s'en va crescendo pour mieux exploser. Un effet d'alternance s'effectue alors et rend le spectateur actif, le poussant tour à tour à prendre parti pour les uns ou les autres, les rôles de chaque protagoniste jouant souvent aux chaises musicales avec brio. Globalement, les personnages sont irrésistiblement détestables (Christopher Waltz est remarquable, comme de coutume) et l'écriture des dialogues d'une virulence emplie de sarcasmes et d'ironie que l'on aime déplorer. Choix du casting ou bien des mots, tout est impeccable et nous renvoie fatalement à notre condition avec un humour décalé et joliment grinçant. En clair, Roman Polanski ne pouvait faire plus honneur au roman de Yasmina Reza qu'en l'adaptant de la sorte, à un rythme effréné.
Quid des autres adaptations de romans ?
- La couleur des sentiments de Tate Taylor
Film sensible et touchant, La couleur des sentiments est tout de même loin d'égaler son éponyme roman et nous dévoile ici un univers trop facilement scindé entre les bons et les méchants. Parfois drôle et cocasse, un brin espiègle et bourré d'un dynamisme hautement communicatif, le film se regarde sans ennui et laisse sa trame faire doucement effet. Il cède toutefois assez rapidement à la facilité, ne donnant pas à ses protagonistes les personnalités fortes que ces derniers avaient à l'écrit, et tombe de ce fait dans tous les clichés possibles du racisme sans vraiment exploiter cette piste en profondeur. Point de surprise alors, il en résulte une histoire gentillette certes mais prévisible à souhait, qui aurait gagné à marquer quelques nuances. On pourra cependant reconnaître à Tate Taylor une belle sincérité et un casting des plus réussis. Un premier essai en demi-teinte donc, mais suffisamment méritant pour être vu.
- La Délicatesse de David et Stéphane Foenkinos
Il faudra décidément qu'on m'explique une bonne fois pour toutes pourquoi Audrey Tautou interprète la plupart du temps des femmes irrésistibles dont la beauté fait fondre toute la gente masculine... Néanmoins, ce reproche étant absolument personnel, j'aurais tout à fait pu apprécier le film mais cela ne devait ne pas être. Trop niais et assez mal ficelé, La délicatesse s'empêtre bien vite dans un afflux de bons sentiments et de tristesse sucrée dont seul, François Damiens, parvient un peu à s'extirper. Le résultat n'est pas brillant pour autant: l'histoire sonne faux, l'univers est d'une ringardise à pleurer et si ce n'était pour la toute dernière scène, agréablement poétique, je me demanderais encore la portée "délicate" de ce long-métrage passablement indigeste. Il faut croire alors que les romans-à-rêver feraient sans doute mieux d'être conservés intacts lorsqu'à à l'écran, ils se voient soudainement plongés dans une pluie de clichés mélodramatiques à mille lieues de notre imaginaire. C'est bien dommage et c'est totalement raté !
Difficile de se prononcer
- La conquête de Xavier Durringer
- L'assaut de Julien Leclercq
Comment définir des films qui sont le reflet imagé d'une évidente réalité ? Je ne saurais dire... Définitivement classés pour ma part comme des ouvrages "pas mauvais" voire même plutôt bons, aucun des deux n'a su me captiver suffisamment pour que ma mémoire ne les retienne vraiment. Sur le moment, ils m'ont intéressée, il est vrai, m'ont même fait me questionner ou bien frissonner. Mais il n'en reste aujourd'hui pas grand chose, sans doute parce que la vraie vie supplante de beaucoup la copie et que les histoires vraies, aussi différentes soient-elles, sont un exercice bien souvent périlleux. Ainsi, il a manqué à La conquête une tonalité plus juste, plus mesurée. Le travail de mimétisme remarquable des acteurs n'a pas su effacer les véritables protagonistes qui resurgissaient évidemment dans notre esprit, laissant place à une caricature involontaire et parfois "too much". Parallèlement, L'assaut ne possédait pas en son sein la force de ce fait d'actualité marquant et le film, quoique haletant, est apparu au final beaucoup plus fade que son sujet ne le laissait envisager. Un petit bémol alors... Mais ceci étant, et sans rien avoir appris de nouveau au demeurant, je reconnais à ces deux longs-métrages un bel effort de réalisme et un certain talent.
Déception
- Twilight, chapitre 4: Révélation (première partie) de Bill Condon
L'an passé, je classais son prédécesseur "pire daube de 2010". Il faut croire que j'aurai été plus clémente cette année. Rien ne laisse cependant penser que je me suis passionnée par ce nouvel opus, loin de là. Parce que si je pensais avoir déjà atteint le comble du pathos précédemment, je m'étais fourvoyée. Le film qui se présentait avant sa sortie comme plus mature et plus sensuel (pour sur, je ne me suis toujours pas remise des scènes "hot") est en réalité toujours aussi guimauve que les précédents, mais non sans un petit côté tragi-comique cette fois. Parce que comprenez bien: entre un mariage mièvre à souhait, la grossesse la plus rapide du monde et un amoureux transi dont la colère s'exprime à grand renfort de transformation, il y a de quoi sourire un brin. D'autant plus que Bella se meurt tellement que les maquilleuses lui donnent le privilège d'avoir mon teint et mes cernes après une semaine complète de nuits blanches. Et ça tombe bien ! Plus la demoiselle s'enlaidit, plus les hommes de sa vie se battent pour son joli coeur. Mais tout est bien qui finit bien et devenue mort-vivante, la jeune fille redécouvre enfin les joies du maquillage... En bref, il s'agit d'un petit délire adolescent bien pensant qui se veut un peu méchant parce qu'il y a des presque-vampires dedans. Toutefois, comme je ne suis clairement pas le public visé, les "vrais jeunes" sauront sans doute mieux que moi vous parler de cette fable édulcorée ;)
La pire "daube" de l'année
- Never let me go de Mark Romanek
Critique déjà effectuée avec un zeste de nausée.
Pour moi, c'est une affaire bouclée.
A propos de la Palme d'Or 2011 - Festival de Cannes.
- The tree of life de Terrence Malick
Voici un film ô combien acclamé par la critique qui ne m'aura pas atteint une seule seconde. Pourtant, il avait a priori tout pour me plaire. Jouant sur des plans d'une rare beauté et sur une linéarité totalement chamboulée, il mêlait avec beaucoup de subtilité philosophie et onirisme. Seulement voilà. Si Melancholia sus-mentionné dans mon "top 10" a su me toucher au plus profond de moi générant une puissance cosmique évidente (la comparaison me paraît ici aisée), The tree of life m'a simplement ennuyée. Point de fascination ni d'émotions, il faut croire que ma sensibilité s'exprime d'une toute autre façon et c'est limite si je ne me suis pas sentie agacée par cette fresque à l'étrangeté convenue. Comme si faire un film surréaliste et abstrait était aujourd'hui une raison suffisante pour qu'il prenne la forme d'un chef-d'oeuvre. Naturellement, ce point de vue n'engage que moi. Mais il m'a vraiment semblé que ce méli-mélo pseudo mystique voulait inclure une complexité inutile, tombant alors dans un lyrisme alambiqué horriblement long. Je passe donc pour cette année !
J'ai manqué malgré moi...
- We want sex equality de Nigel Cole
- La solitude des nombres premiers de Saverio Costanzo
- Les bien-aimés de Christophe Honoré
- Ma part du gâteau de Cédric Klapisch
J'espère le meilleur, je veux aussi le pire.
J'aspire au bonheur, à la douleur, aux larmes et au rire.
Il y a une émotion dans chaque plaisir
Qui s'écoule avec la pudeur d'un furtif soupir.
Alors si 2012 au cinéma ne me convainc pas jusque là
Et que les films me mettent rarement en émoi,
Je m'acharnerai pour trouver l'art et la matière,
Transcender le rêve jusqu'à percer l'imaginaire.
-Livy-