Sur les traces d'Albert Kahn - Musée et Jardins
"Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l'éternité."
(Gilles Clément)
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Et si le morceau de terre se révèle être d'une immense beauté, porté par un parcours aussi luxuriant que diversifié, c'est sans doute qu'Albert Kahn a su cultiver, au sein de ses jardins, quelques joyaux d'éternité. Avec une espièglerie charmante et hétéroclite, son oeuvre offre ainsi au visiteur curieux toute l'étendue de son enthousiaste créativité, par le biais d'une partition verdoyante où les mélodies cèdent leur place à une excentricité à fleur de peau. De quoi se laisser transporter de la ville-capitale à de mystérieuses contrées, suivant des thématiques comme seule Dame Nature, additionnée d'une pincée de talent, peut en avoir le secret. Par chance, [July], [Poleen] et moi-même sommes arrivées à point nommé pour vagabonder quelques heures dans ces allées et autres mystérieux sentiers, un après-midi d'été. Alors, notre visite en ces lieux, tout juste situés aux portes de Paris, se transforma à son tour en une éternité enchantée, le temps de quelques foulées.
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Mais quand les émotions subliment les mots, il se pourrait que l'objectivité me fasse défaut. Par bonheur, j'ai déniché sur le sujet le petit texte qui suit, représentatif et fort bien abouti, et m'en vais à présent vous laisser en sa compagnie...
Ce jardin, c'est d'abord un rêve, celui d'Albert Kahn (1860-1940), banquier excentrique et voyageur humaniste. Au fur et à mesure que sa fortune grandissait, Albert Kahn a financé sur ses propres deniers ce parc de 4 hectares qui se veut la vision d'une Terre réconciliée où les civilisations cohabitent en harmonie. Ici, les roses se mêlent aux arbres fruitiers, le jardin anglais côtoie la folle forêt vosgienne, le jardin français s'ouvre sur des pavillons japonais où se tiennent régulièrement les traditionnelles cérémonies du thé... Un monde idéal à portée de métro, une oasis de poésie végétale en plein coeur de la ville.
(Source: L'Intern@ute)
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La visite guidée peut désormais commencer. Et elle prend sa source dans le plan des jardins, car aussi grande soit l'envie de vous perdre avec moi pour une flânerie joliment rêvée, peut-être seriez-vous toutefois intéressés pas l'idée de vous y repérer !
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Nous avons donc franchi les portes de la Galerie-Musée, sans trop nous attarder, pour accéder au plus vite en plein coeur du village japonais. Belle surprise que celui-ci ! Dans un souci du détail incroyable et un voyage immédiat, une petite merveille nous y attendait, reflet d'une visite pleine de promesses. Munie de mon iPhone 4, l'euphorie jusqu'au bout des doigts, j'ai soudainement eu l'envie de tout immortaliser et ce, malgré une bien piètre qualité d'images (APN, reviens !). C'est donc après un long tri et une réelle torture cérébrale que je suis finalement parvenue à extraire mes clichés préférés pour vous en présenter ici quelques morceaux choisis. Au programme, un zeste de reportage-photo' et les douces réminiscences de ma petite bulle de bonheur-nostalgie.
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Le village japonais, premières impressions...
Les quelques premiers pas dévoilent un halo de tranquillité
Où l'occupation de l'espace se voit pensée et maîtrisée.
La végétation y est attrayante, de par ses formes arrondies
Et elle côtoie les sculptures et la pierre dans une parfaite harmonie.
Mousse, buissons et minéraux en deviennent un symbole poétique
Qui, traversés par un cour d'eau, jouent de leur aspect artistique.
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Sérénité et calme s'invitent dans un espace réduit...
La pierre s'allie à la verdure, non sans une certaine intimité,
De l'adorable maison du thé aux arbustes bien taillés.
La reconstitution du village nippon au charme ancestral
Nous envoûte de par sa quiétude insaisissable.
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"So british !"... Le charme sauvage de la campagne anglaise
A la recherche d'une nature romantique et écervelée,
Le jardin anglais est laissé en toute liberté.
Une rivière se dissimule parmi les herbes en folie
Et se faufile entre les roches et quelques bosquets fleuris.
On le souhaiterait d'avantage mis en valeur
Mais il reste un passage en retrait pour les voyageurs...
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"Penser, c'est chercher des clairières dans une forêt"
(Jules Renard)
Les trois forêts cohabitent dans un naturel absolu.
La mini forêt vosgienne reproduit la végétation de sa région
Et nous emmène en plein coeur de l'évasion.
Arbres centenaires et blocs de granit se donnent la réplique
Amenant à ce paysage sylvestre sa touche authentique.
Adorable scène champêtre, un brin romanesque !
La forêt dorée est une prairie verdoyante et colorée
Où les fleurs des champs se développent avec grâce et légèreté.
Petit entre-deux avant de s'enfoncer dans les fourrés,
Elle écoute chaque plante et en embellit ses sentiers.
La forêt bleue enfin, laisse la part belle aux cèdres et aux épicéas.
Sa luminosité voilée est enchanteresse, à l'image des contes de fée.
Par le biais de ses conifères venus de différents continents,
Elle nous fait nous enfoncer dans un clair-obscur inquiétant
Et privilégie de la sorte la spontanéité comme le dépaysement.
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Discipline et géométrie: le jardin français
Le classicisme est à l'honneur et arpente les allées fleuries
Que la rigueur transforme en un esthétisme réfléchi.
La perfection Renaissance exprime ses figures imposées
Où, près de la jolie verrière, elle trouve sa fierté.
Un peu moins convaincue par le jardin français,
Je garde cependant un excellent souvenir du verger-roseraie.
Les roses, déjà écloses, n'était pas pas complètement au rendez-vous
Mais arborant des couleurs magnifiques, les dernières se pâmaient malgré tout.
Un petit mot sur la serre aux mille et uns secrets
Dont l'architecture imposante est à admirer.
Elle abrite les plantes exotiques, cultive un jardin d'hiver,
Et pour l'ensemble du parc, demeure lieu de travail et repère.
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"La vie humaine est une lumière devant le vent"
(Proverbe japonais)
Le jardin japonais, à la fois traditionnel et contemporain,
Demeure le point culminant de la partition, tel un joli refrain.
Moderne et respectueux d'une philosophie qui traverse le temps
Il est, bien que refait à neuf depuis peu, un hommage aux symboles d'antan.
Pour mon plus grand bonheur, de petits ponts de bois s'y cachent tout du long,
Invitation exquise à la méditation.
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Cette création ne serait rien sans l'amour d'Albert Kahn pour le Japon.
Le jardin, parfaitement organisé et paysagé, nous fait revivre, sous couvert d'une conception moderne, les racines d'un pays qui se meut entre le modernisme et quelques aspirations plus oniriques, incluant au sein même de la végétation, les symboles de vie et de mort, de virilité et de féminité. L'eau, comme élément dominant, retrace métaphoriquement la vie d'Albert Kahn et lui rend ainsi un bel hommage, tandis que les éléments environnants n'ont de cesse de clamer leur complémentarité afin de former un tout. Le résultat est un îlot de verdure fantastique qui puise son intensité botanique dans une beauté zen et épurée. Le dépaysement est total et plus rien ne semble compter autour, surtout lorsqu'un rayon de soleil daigne enfin timidement se montrer.
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Retour aux sources
La case départ pour un bel au revoir
Et quelques ultimes clichés du village japonais retrouvé
Dans ce même état d'esprit empreint d'un équilibre intemporel.
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Afin de terminer la visite en beauté, mes copines blogueuses et moi sommes allées nous balader dans les couloirs du musée, à la rencontre de l'exposition Clichés japonais (1908-1930, le temps suspendu) qui s'est achevée fin août. Il s'agissait d'avantage d'un instant-découverte, sorte de ponctuation toute trouvée pour conclure notre après-midi en le saupoudrant une dernière fois de sa thématique-clé.
Les photographies, réparties en diverses catégories, nous ont ainsi plongées dans le Japon d'un autre temps et dans ses jardins fabuleux. J'ai notamment été captivée par l'évocation de la poésie à travers les âges, l'âme du paysage ou encore l'esprit des lieux. On pouvait y observer, entre autres, des clichés représentant des monuments et panoramas (toriis en contre-jour lors d'un coucher de soleil ou l'art de la photographie-magie...) tout autant que des familles habillées en costumes traditionnels. Et si certaines images ont su retenir pleinement mon attention au point de les évoquer ici, je ne pourrais toutefois en parler avec force détails car nous avons plutôt choisi de survoler l'exposition et en arpenter les couloirs d'une curiosité joliment distraite, avec toute la satisfaction agréable et douce de ces journées où le temps semblerait presque arrêté...
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Dehors, le soleil lunatique s'était décidé à briller pleinement quand nos pas foulèrent le sol du hall/galerie, en direction de la sortie. Profitant de la moindre minute capturée, nous trouvâmes refuge, le temps d'une pause bienvenue, sur un petit muret tandis que derrière nous, le village japonais, encore, se dessinait. Se devinait. A ce moment, Paris était si loin. Paris était tout près. Mais comme il était doux de perdre pied...
Le retour en métro possédait ce léger parfum surréaliste que je me plais à ressentir lorsque je me trouve libre et apaisée, non sans une certaine singularité. Le voyage végétal avait donc eu son effet et les jardins Albert Kahn ne laissait aucun doute sur leur éternité. Sereine et souriante, j'avais parcouru en un après-midi tous les espace-temps et les paysages atypiques que tant de parisiens envient. Et dans cet aventureux périple, mon petit monde de science-fiction pouvait désormais laisser libre cours à son imagination.
-Livy-
Pour une autre vision des jardins Albert Kahn et une visite parsemée de bien jolies photographies, vous pouvez également vous rendre dans l'univers de July, juste [ici]
Quant aux infos pratiques, vous les trouverez par [là]
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