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Livy Etoile
23 août 2011

Voyage dans le passé... "Paris au temps des Impressionnistes"

Paris_au_temps_des_impressionnistes

Fallait-il bien que j'attende l'avant-dernier jour avant fermeture (ce qui devient, avouons-le, une fâcheuse habitude) pour me rendre enfin à l'exposition Paris au temps des Impressionnistes que nous proposait, pour la belle saison 2011, l'Hôtel de Ville ! Je m'en serais, certes, voulue éhontément de ne pas lui accorder un soupçon de disponibilité, tant la thématique était enthousiasmante et réfléchie. Mais à l'instant même où le temps venait à me manquer, les copines blogueuses Poleen et July ont su, avisées, titiller ma motivation comme ma curiosité, non sans une certaine envie de partager l'idée d'un impressionnisme-magie. C'est ainsi par une fraîche matinée de la fin juillet que nous avons poussé toutes trois avec entrain les portes si familières d'un bon nombre de mes évènements-clés, de Doisneau à Ronis, d'Andrée Putman à Izis, de Prévert à Sempé, et ce depuis déjà plusieurs années...

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Il me semble alors que, bien installée dans ma machine à remonter le temps, je n'aurais souhaité mieux. Véritable voyage au sein de l'urbanisme artistique d'un passé parisien ô combien transcendé, l'exposition, somme toute assez courte et vêtue d'un joli manteau de simplicité, n'en fit ni trop, ni pas assez.
Et c'est en partie en raison des travaux de rénovation effectués actuellement au Musée d'Orsay qu'elle nous proposait de nous faire (re)découvrir ses chefs-d'oeuvre impressionnistes en toute gratuité, une soixantaine environ, le temps d'un parcours rêvé dans une époque de grands changements, décidément empreinte d'une vraie modernité.

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Voici d'ailleurs un petit extrait digne d'intérêt

"Le nouveau Paris et la vie qu'il a engendrée sont au centre des préoccupations artistiques des années 1850-1914. La ville haussmannienne donne aux artistes de nouveaux motifs, les conduit à une autre vision de la vie urbaine, traduite, pour les plus grands d'entre eux, au moyen d'expressions picturales inédites.
Le regard et l'interprétation de la ville changent: Paris est saisi comme une entité mouvante, et les artistes négligent l'étude des monuments ou de l'anecdote, à la recherche de ce merveilleux moderne, de cette poésie urbaine dont Baudelaire s'était fait le héraut. Les transformations de Paris engendrent de grands bouleversements dans le mode de vie de ses habitants; cafés et cafés-concerts, brasseries, bals, cirques, opéras et théâtres, parcs et jardins publics, courses hippiques se multiplient, fournissant autant de thèmes aux artistes en quête de cette beauté mystérieuse et involontairement déposée par la vie des hommes..."

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Un thème bien ancré pour passer une heure de toute beauté.
Le circuit, qui débutait au premier étage, présentait en premier lieu une introduction riche et détaillée, entièrement consacrée aux grands travaux du Baron Haussmann et à son idée de "construire le nouveau Paris" (sujet à forte dose polémique) amenant progressivement, au sein d'une ville encore archaïque et bancale, l'hygiène et le modernisme.
On pouvait y admirer des plans d'architecture, des maquettes et des schémas d'époque sur le sujet ainsi que plusieurs dessins et peintures, mais surtout quelques gravures inédites, conservées en principe dans les archives du Musée d'Orsay, dont celles représentant des lieux artistiques (théâtres, opéras...) en devenir. C'était comme avoir, en quelque sorte, un pied dans le passé pour mieux admirer ce grand bond dans l'avenir; et si mes mots penchent dangereusement du côté du paradoxe, c'est pour mieux englober l'ambiance générale qu'il régnait en ce lieu et, de ce fait, la retranscrire ;)

Cependant, la mezzanine n'était qu'un avant goût. Il fallait surtout se rendre au rez-de-chaussée pour que le coeur du voyage impressionniste nous dévoile dans toute sa splendeur ses nombreuses oeuvres de maîtres, dont certaines monumentales, nous mettant face à une pléiade d'artistes émérites, tous concernés par l'urbanisation de notre capitale. Une image vivante et mouvementée d'un Paris bousculé et perturbé, dans un afflux de perspectives.

Classée par thèmes, l'exposition prêtait à aborder tant les aspects joyeux de cette époque transitoire qu'un côté plus dur et une réelle noirceur qui nous permettait aussitôt de nous plonger dans un réalisme rétro fort à propos, nous emmenant aussi bien guincher allègrement que nous mettant face aux difficultés rencontrées.

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Edouard Vuillard, Le Sacré-Coeur vu de chez lui

C'est alors dans les recoins encore ruraux de la Butte-Montmartre et de son Sacré-Coeur que Paris au temps des Impressionnistes prit son envol, nous illuminant aussi bien par la beauté d'un lieu de culte encore naissant qui allait devenir aussi célèbre que symbolique, que par la légèreté de bals donnés en plein air pour une population locale désireuse de s'amuser.
Il s'en serait bien donné comme un air de 14 juillet permanent sur une capitale-campagne drôlement endimanchée !

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Johan Barthold Jongkind, Notre-Dame de Paris

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Claude Monet, La Gare Saint-Lazare

Pareillement, Notre-Dame de Paris et son regard sur la Seine fut une source d'inspiration notoire, tout comme les piliers industriels du siècle nouveau dont les gares, véritables lieux mythiques et privilégiés. Celle de Saint-Lazare, tout particulièrement, se vit porter aux nues par respectivement Manet, Monet et enfin Caillebotte...

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Edgar Degas, Femmes à la terrasse d'un café

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Camille Pissaro, Place du Théâtre Français

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Félix Vallotton, La troisième galerie au Théâtre du Châtelet

... Un peu plus loin, le naturel revenant au galop illuminait les scènes de la vie parisienne, qui jetaient un œil espiègle sur les loisirs et divertissements nouveaux de la capitale, non sans se vanter d'une vague de modernisme latente, celle-ci même qui allait chambouler toute l'idée et la notion de ville. Mis en avant, l'éclairage au gaz, l'électricité, les gares et les grands espaces (jardins publics, boulevards...) donnaient la réplique au monde culturel caractérisé notamment par l'Opéra, le théâtre et les cafés-concerts, univers particulièrement cher à Degas (my favorite ^^) mais aussi à Manet ou encore à Vallotton.

L'idée du "caf' conc'" d'ailleurs, lieu de convivialité et d'échanges, inspira tout particulièrement les artistes qui pouvaient se mouvoir d'avantage à leur guise dans le cadre de cette nouvelle liberté et qui, bien entourés de poètes et écrivains (on pourrait citer ici Zola), pouvaient espérer accéder à leurs rêves dans une irrépressible envie de se faire connaître. Monet fut l'un d'eux et se mit à exposer librement, bientôt suivi par Gauguin et de nombreux autres. Et c'est sans hésitation cet aspect de l'exposition qui me fut le plus agréable, dans ce zeste de folie douce et de couleurs enjouées dont je pourrais vanter inlassablement les mérites.
Mais dans cette vie de bohême intellectuelle immortalisée par des endroits désormais cultes tels "Le Chat Noir" ou l'incontournable "Moulin Rouge", un autre divertissement, à l'aube d'un siècle nouveau, était en train de s'imposer: le cinéma.

Les soirées mondaines, quant à elles, faisaient évoluer en leur sein un univers encore différent et bien plus diversifié qu'auparavant où se mêlaient artistes, riches bourgeois et femmes entretenues, jusqu'aux classes sociales moins favorisées.

Pourtant, bien loin de ces plaisirs exquis, Paris, au centre d'une vraie révolution industrielle, allait également entraîner une véritable désillusion pour les couches les plus humbles de la population, bâtissant sa richesse au détriment de leur travail.  Un déséquilibre social qui ne m'était sans doute pas apparu si flagrant que dans les peintures de Stevens ou de Devambez jusqu'alors, mais qui renvoyait d'emblée l'impression d'une violence inouïe, symbolique d'une colère trop longtemps enfouie, ainsi qu'une grande dose d'amertume.
A ces scènes douloureuses, le Second Empire ajouta des épidémies, des grèves (oui, déjà ^^) ainsi que de catastrophiques inondations. Mais c'est incontestablement le développement économique qui fut le plus à double tranchant, entraînant avec lui l'espoir autant que la révolte. Le peuple parisien, fou de rage, fit en effet le siège de sa ville en 1871, évènement plus connu sous le nom de "La Commune" et au cours duquel, plusieurs monuments publics de renom furent incendiés et détruits en partie, afin de protester contre le pouvoir. La répression s'effectua dans la douleur et le sang quand, plus tard, la fin du XIXème siècle fut marquée de nouveau par divers attentats en provenance de groupes anarchistes. L'autorité se fit alors de plus en plus rude et implacable, ce qui ne manqua pas d'inspirer aux artistes de l'époque des sentiments mitigés et déchirants, le temps d'une vision plus pessimiste certes, mais qu'il aurait été bien malvenu de négliger.

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Henri de Toulouse-Lautrec, Seule

Revenons cependant aux petits plaisirs... La montée en puissance des divertissements parisiens ne fut pas seulement la base d'un essor intellectuel mais contribua également à une capitale d'avantage osée et dévergondée. Cette vague nouvelle d'érotisme que Toulouse-Lautrec se plut à illustrer était plurielle, évoquant une part de sensualité bien sur mais, plus douloureux, une prostitution massive qui, loin de nous vendre du rêve, était un vrai sujet de réflexion sociale, tant la condition des femmes apparaissait ici de façon tragique et grave. Et si quelques écrivains (Zola évidemment, mais aussi Maupassant) y avaient apposé leur plume douloureuse, les peintres, quant à eux, ont su définir d'une manière moins moralisatrice et sans doute plus délicate l'envers du décors, Degas ou Steinlen les premiers... ou comment parvenir à immortaliser la misère mais peut-être plus encore une féminité à raviver, avec une pudeur qui en disait long sur le sujet.

Cette touche en demi-teinte mit un point final à la vision parfois enjolivée mais toujours juste des impressionnistes, dans un état d'esprit plus libre qu'avant, moins inquisiteur, et surtout honnête. Il faut dire que l'intérêt même de l'exposition se trouvait développé en de multiples aspects, et si l'Art se positionnait au centre de tout, il n'en aurait rien été sans une source d'inspiration intarissable comme pouvaient l'être le bouleversement industriel, la montée en flèche de l'urbanisme, ainsi que tous les effets positifs ou négatifs sur la vie sociale.

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Les transformations survenues avec la IIIème république entraînèrent une avancée pour la ville, mais aussi pour les artistes qui y voyaient autant la liberté de s'exprimer par le biais de leur talent qu'un renouveau sacré à immortaliser et faire partager, en le représentant sous tous les angles et sous ses moindres facettes. Touchantes, charmantes, poétiques ou dramatiques... Au rythme de l'Exposition Universelle de 1878, nos impressionnistes ont su apporter à leurs chefs-d'oeuvre un regard volontaire et frappant.
Ainsi, plus qu'un joli étalage d'oeuvres d'art défilant devant nos yeux toujours charmés, Paris au temps des Impressionnistes a surtout eu le mérite de raconter une histoire. Pas un simple exercice d'invention, non, mais une histoire vraie. La notre. Celle de notre passé, notre progression, nos heurts, nos peurs, notre colère, nos idéaux, et en toute logique, la vision encore neuve d'un futur à construire qui est notre quotidien aujourd'hui.
C'est, de la sorte, à travers l'évolution de notre capitale, que les artistes nous ont offert ces bribes de rêve, ces pointes de réalisme, cette tonalité de vérité, mais surtout un nouvel univers à partager, et pour l'éternité.

-Livy-

Il ne fut pas aisé de trouver une conclusion valable toutefois
Et [July] m'avait proposée une solution d'appoint qui me tenta.
Ne pas lui faire honneur aurait été me fourvoyer
Aussi poncterai-je de la sorte mon billet...

THE END ;)

Commentaires
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John:<br /> L'introduction présentait un grand intérêt en effet, sans doute plus concret que l'ensemble des tableaux à admirer, mais très instructif, d'un point de vue culture G. Je suis certaine que tu aurais aimé. Mais je peux aussi t'en faire un résumé prochainement, en toute oralité ;)<br /> Quant à ton engouement pour le travail artistique de Monet et Toulouse-Lautrec, que puis-je ajouter d'autre si ce n'est plussoyer grandement ta pensée !
J
J'aurai bien voulu voir l'introduction sur le baron hausseman. Je trouve fascinant le fait d'avoir transformé Paris comme il a fait. Concernant les peintures, j'aime bien le travail des couleurs de Monet et les scènes de Lautrec.
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Poleen:<br /> Merci ma douce... Eh oui, un très joli souvenir matinal immortalisé sur papier (ou sur écran !) en compagnie de vous deux. Le reste de la journée était parfait lui aussi et je ne manquerai pas d'en toucher deux mots sur le blog pour très bientôt ^^<br /> Je t'embrasse tout fort !
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July:<br /> Que veux-tu ma belle, "private joke" oblige, tu méritais bien ce petit clin d'œil ;)<br /> Je connais ton ressenti sur l'expo' alors rien de surprenant, d'autant plus c'est plutôt une bonne chose, je trouve, de ne pas toutes évoquer les mêmes aspects de ces deux jours girly. Nos billets viennent se compléter harmonieusement de la sorte. Alors, si en plus, tu préfères mon article à l'évènement en tant que tel, je ne vais pas m'en plaindre tout de même ^^<br /> Merci ma July pour tous ces adorables compliments et plein de bisous !
P
The End ;)<br /> Conclusion parfaite à cet article remémorant une matinée bien agréable :)<br /> Gros bisous
Livy Etoile
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