Les Médicis dévoilent leurs trésors au Musée Maillol
Début février, un après-midi ensoleillé et un septième arrondissement presque printanier.
Se plaire à flâner dans les rues et à oser la terrasse d'un café, un peu moins emmitouflée dans la pleine semaine qui emportait avec elle son flot d'écoliers vagabonder autour des lycées. Mais alors que les boutiques me faisaient de l'oeil et que j'aurais bien salué le Bon Marché, ce fut par les prolongations d'une exposition charmante que je fus cette fois attirée...
Dans les airs, comme une brise vivifiante, annonciatrice d'une bonne journée, et au Musée Maillol, la jolie promesse de quelques instants culturels, sans se presser.
Une moyenne d'âge un soupçon élevée, une file d'attente comme évaporée,
Et...un meilleur ami geek à motiver ! Pouvais-je obtenir ainsi la recette du succès ?
Naturellement, et mon retard aidant, je suis bien consciente que les mois, depuis, se sont tellement courus après que je ne les rattrape presque jamais. Mais puisque l'exposition Trésors des Médicis du Musée Maillol valait plus que tout un aventureux détour, ô combien volontaire, pour une jolie journée de fin d'hiver, il était temps que je vous touche quelques mots de celle qui m'a captivée, tant par les thématiques multiples de ses salles que par la diversité des objets exposés.
Visite guidée...
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"Que les Médicis dorment en paix dans leurs tombeaux de marbre et porphyre, ils ont fait plus pour la gloire du monde que n'avaient jamais fait avant eux et que ne feront jamais depuis, ni princes, ni rois, ni empereurs. "
Le ton est donné, volontaire et conquérant, et c'est la citation d'Alexandre Dumas qui introduit de la sorte l'exposition consacrée à la plus puissante et prestigieuse famille florentine ainsi qu'à son impressionnante collection d'oeuvres d'art. Cette dernière rassemble en effet près de 150 ouvrages et objets, tous vus, désirés, possédés ou analysés par certains des Médicis durant leur quête de la beauté et de l'art. Nul doute alors qu'il est magique d'imaginer, aujourd'hui encore, que lesdits objets décoraient en leur temps l'intérieur des palais médicéens, bibliothèques et autres chapelles.
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Ainsi, dans un cadre aéré pour une présentation claire, concise et détaillée, l'aventure débute au rez-de-chaussée et nous dévoile d'emblée ses joyaux d'un autre temps; joyaux ô combien méticuleux et accumulés durant trois siècles, qui témoignent de la plus noble façon du goût des Médicis pour les arts, allant du simple camée au reliquaire richement décoré, du vase travaillé à quelques bijoux finement ciselés, tout en passant par des portraits familiaux ou encore des sculptures colossales.
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Mais c'est au premier étage que l'exposition prend toute son ampleur, lorsqu'elle nous envoie de prime abord dans les tréfonds d'une petite salle arborant un arbre généalogique complexe qui souligne avec soin tous les personnages emblématiques de l'illustre famille ainsi que leurs liens de parenté, puis nous entraîne de plein pied cette fois, dans la grande et belle histoire d'une réussite sacrée, créée dans un souci de l'esthétique, du modernisme et, paradoxalement, de traditions plus ancestrales.
Le goût médicéen, en effet, est à lui seul un poème aux multiples facettes, et dont l'exposition qui se découpe en plusieurs petites salles (ou cabinets), chacune basée sur une thématique bien spécifique, nous dévoile pas à pas l'élaboration puis l'évolution au fil des siècles.
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Cardinal Léopold de Médicis
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Cardinal Tommaso Inghirami par Raphaël
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Hommes d'argent, d'affaires et de pouvoir (banquiers, seigneurs...), règnes parfois tyranniques (Alexandre de Médicis), nous découvrons ainsi que les Médicis se sont d'abord enrichis par le biais du commerce mais également de la politique, discipline au sein de laquelle ils ont montré une habileté évidente. Il est à noter alors que si nous les évoquons aujourd'hui principalement pour leur influence dans le monde des Arts -ce qui par ailleurs demeure indéniable-, ces derniers n'ont jamais cessé de jouer un rôle primordial plus concret, d'abord au sein de leur cité, puis dans toute l'Italie, pour s'étendre jusqu'en Europe, avec à leur actif deux papes (Léon X et Clément VII) et deux reines de France (Catherine et Marie de Médicis) que l'on compte aujourd'hui parmi les personnalités les plus emblématiques de l'époque. A juste titre, Dominique Fernandez écrivait d'ailleurs:
" Paris ne serait pas devenu Paris sans l'action énergique de ces reines ".
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Représentation de Marie de Médicis
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Représentation de Catherine de Médicis
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Il va sans dire que cette ascension vers la réussite entraînant une richesse incommensurable accompagnée d'une grande puissance, leur a permis une liberté d'action des plus importantes dont ils ont usé pour s'adonner à leur amour des belles choses, du luxe et d'un certain penchant pour l'esthétisme. Réputés pour être des hommes de goût, ils ont pu jouir d'un rayonnement artistique et culturel fabuleux, auquel ils ont beaucoup apporté jusqu'au 18 ème siècle. De là, ils se sont révélés comme de véritables princes et mécènes, soutenant d'un point de vue financier bien sur mais toujours hautement créatif, les plus grands artistes de la Renaissance, faisant ainsi parler d'eux en tant qu'humanistes et défenseurs de l'Art, tous domaines confondus. Parmi leurs protégés, il serait évidemment de bon ton de citer de grands noms tels Botticelli, Michel-Ange, ou encore Raphaël.
De la sorte, modernes, atypiques et personnels dans leur approche, parfois même considérés comme avant-gardistes par ceux de leur époque, ils ont eu le privilège de régner sur un grand nombre de disciplines artistiques et d'amasser moultes objets précieux, à l'image d'une collection fabuleuse dévoilée devant nos yeux pour quelques instants volés assurément captivants, et dont l'aspect diversifié en constitue la force majeure.
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Côme II de Médicis
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L'adoration des Mages par Botticelli
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Ainsi informés, c'est avec délice que nous sommes invités à pénétrer dans l'antre médicéenne, grâce aux différentes pièces évoquées auparavant, et qui révèlent tant l'intimité et les liens de famille que les objets accumulés: bibliothèque, ateliers, théâtre, mathématiques, religion, salle des fêtes, cabinet des merveilles... Il semblerait que rien n'ait échappé aux Médicis, jusqu'à la beauté et l'aspect artistique et architectural de leurs jardins !
Et si tous les dessins et peintures, sculptures, bijoux, vases, manuscrits, instruments de musique, ornements d'autel, et autres reliquaires retracent l'histoire familiale et l'engouement pour un esthétisme décidément très audacieux pour l'époque, nous saluerons également leur attachement pour les arts mineurs, leur amour de la Littérature et de l'Opéra, sans omettre le coté précurseur dont ils ont su faire preuve à propos de l'Art occidental moderne, des Sciences et de l'Astronomie. En effet, en nous projetant plus loin encore, nous découvrons que les Médicis furent à l'origine de découvertes géographiques et scientifiques non négligeables. De quoi nous laisser matière à rêver sur ceux qui ont régné sur l'Art, des générations durant.
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Camée de l'époque romaine
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Berceau de fécondité
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Mais l'exposition serait bien penaude de s'arrêter là. Non contente de nous révéler des trésors médicéens pourtant si rarement prêtés (voire jamais) par quelques édifices florentins, et qui nous font réaliser à quel point la fortune des Médicis, aussi immense soit-elle, fut utilisée à bon escient, elle nous plonge, non sans une certaine mélancolie, dans l'histoire d'un clan familial, et nous fait pénétrer dans une intimité plaisante, jamais très loin de l'Art dont l'omniprésence demeure le fil conducteur.
Nous découvrons alors une correspondance aussi littéraire que brillante, des manuscrits décorés de magnifiques enluminures, et des écritures d'un temps jadis où la plume à elle seule était un chef-d'oeuvre. Je ferai naturellement quelque évocation de la façon la plus subjective qui soit alors, mais il apparaît comme une évidence pour moi d'évoquer notamment une lettre en provenance d'Anne Boleyn adressée à sa majesté, la reine de France.
Nous retiendrons également, et de façon plus générale, plusieurs siècles d'Histoire déclinés dans le temps par le biais d'une si énigmatique famille, adulée ou détestée, et dont la puissance et la richesse se reflétaient avant tout dans l'ambition palpable des différents chefs de famille ainsi que leur ascension aux plus hauts postes.
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Ainsi s'achève le récit... Plurielle et complète, l'exposition du Musée Maillol a su exploiter dans son moindre détail, chaque aspect de la famille florentine pour en tirer la quintessence et mettre l'accent de façon très nette sur le côté créatif qui m'est si cher, sans jamais omettre pour autant l'Histoire qui fut elle aussi un tremplin pour de nouveaux horizons.
Alors, des oeuvres décoratives à la poésie, les merveilles et autres objets de la collection Médicis se sont vus classés et scrupuleusement organisés pour nous donner un aperçu détaillé et objectif de l'ampleur d'une richesse sacrée, vouée au culte d'un monde nouveau, entièrement dédié à l'Art et au beau. Et quand les secrets familiaux à leur tour s'en mêlent dans l'intimité de mystères d'un autre temps, le rêve vagabonde doucement avant de laisser l'imaginaire opérer, tout naturellement.
-Livy-