Blogueuse, la pièce
Dans la série de mes belles soirées de fin d'année, je ne vous avais point évoqué encore une sortie théâtre "surprise" qui me pendait au nez à peine Noël achevé, et dont j'ignorais pourtant tout jusqu'au soir même, si ce n'est que j'y étais conviée.
Ravie évidemment, comme vous pouvez vous en douter, oui mais encore ?
Ma curiosité me titillant allègrement, ce n'est pas faute de m'être adonnée de bon cœur, des journées durant, au jeu des devinettes mais, même sous une torture incessante me faisant passer pour la plus vile peste qui soit, je n'ai hélas pu recueillir de mon bienfaiteur que quelques vagues "Tu verras, cette pièce est faite pour toi", "C'est tout à fait ton style" ou encore "Je ne te dis pas le titre car de toute évidence, il te parlera...".
Bref, une vraie tombe. La surprise ainsi maintenue bien au chaud jusqu'à la toute dernière minute, il me fut impossible d'en savoir plus malgré mon magnifique pouvoir de persuasion et une fois sur place, je compris rapidement pourquoi. L'heureuse élue, choisie spécialement pour moi, s'intitulait en tout état de cause Blogueuse et si elle avait connu un joli succès à deux reprises au cours de l'année 2010, il fallait se dépêcher de sauter sur l'occasion puisqu'elle ne se jouait plus que pour trois petites représentations.
De quoi me laisser amplement le temps de vous en toucher quelques mots car, achevée depuis le 29 décembre dernier, je me doutais bien que même en pondant un billet moins de 48 heures après, le goût d'y aller serait peut-être au rendez-vous mais il serait un poil trop tard pour mon lectorat d'y réserver une soirée, surtout en cette période surchargée. En revanche, je m'en serais voulue de ne pas partager ce joli cadeau haut en couleurs et en vivacité, et il me fallait bien alors le déballer par le biais d'un petit billet étincelant, tout à fait approprié.
Me voici donc partie en mode "review", et cette fois-ci avec vous...
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Où ?
A la Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris.
Loin des théâtres parisiens au charme ancien dont nous sommes bien souvent coutumiers, il s'agit ici d'une petite salle toute neuve (2006) à l'allure très moderne et à l'ambiance aussi intimiste qu'accueillante. Forte de ses 120 places, la visibilité très nette y est d'ailleurs bienvenue et le confort de rigueur au sein de gros fauteuils rouges tout moelleux.
Vouée au théâtre contemporain, la Manufacture joue sur tous les registres, du drame à la comédie, privilégiant la création et l'originalité afin que chaque pièce, à chaque instant, puisse se démarquer de par sa singularité et son aspect unique. Elle s'oriente ainsi vers des histoires atypiques, actuelles et incongrues qui font mouche auprès du spectateur, et donnent à l'ensemble un caractère somme toute un peu exceptionnel, en s'éloignant des conventions.
Un lieu charmant, sans prétention mais très sympathique, à visiter de toute urgence donc, pour un moment de détente garanti au parfum d'inventivité un brin loufoque ;)
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De quoi s'agit-il ?
"Paola n’a que deux amis, une grand-mère corse, un ex rockeur, un prof de Krav Maga, un T-shirt Bershka et surtout… un blog. Sur lequel elle chronique ses aventures avec une plume acerbe. La vie d’une fille de 2010, une Bridget Jones 2.0 au quotidien de peste attachante dans lequel on se reconnaît tous."
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Et alors ?
Le spectacle, pour toute blogueuse qui se respecte, influente ou pas du tout, est un petit joyau de drôlerie en mode "connecting people" et sur fond de vérité cinglante bien envoyée.
Il se présente tout simplement sous forme de scénettes multiples à l'image de billets constituant un blog et tend aussi bien à nous faire découvrir toute cette énigmatique signification dudit monde virtuel qu'à le caricaturer avec joie, jouant à fond la carte du journal intime décidément désinhibé ou du questionnaire sentimentalo-existentiel, parsemé d'humour et de clichés volontaires, en mode SATC. De quoi déjà, rien qu'avec ces quelques éléments, nous délecter assidûment !
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De plus, petite singularité atypique mais fort plaisante, c'est en détriplant son héroïne Paola que la pièce se met en place et prend peu à peu toute son ampleur. La "blogueuse" se voit en effet interprétée tout du long par trois comédiennes différentes qui évoluent en même temps sur scène pour mettre en lumière, chacune leur tour, les facettes multiples du personnage.
Jeune et motivée, pétillante ou perdue, notre héroïne au caractère certes un brin hystérique mais très affirmé n'en est que plus étoffée de la sorte, tandis que le petit aspect performance, loin de passer inaperçu évidemment, contribue à rendre la pièce plus actuelle qu'elle n'aurait su l'être déjà, toute parsemée de sa cyber-thématique.
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On notera d'ailleurs au passage, en guise de détail mais pas des moindres, LA "fashion-touch" de rigueur, à savoir la mise en scène d'un personnage unique pour trois comédiennes et trois tenues à l'originalité bien ancrée signées Sonia Rykiel. Et c'est dire si je me serais bien inspirée de l'une d'elles, robe bleue Klein et chaussures affriolantes rouge vif...
Je vous laisse imaginer ^^
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En dépit de ces quelques considérations qui n'ont rien à faire ici mais dont cependant je me réjouis, le récit nous offre surtout de façon progressive l'apparition de nombreux personnages, mystiques et farfelus, parfois un tantinet trop stéréotypés pour les prendre vraiment au sérieux, mais dont la galerie de portraits dressés donne à la pièce une identité loufoque et une vraie vie. Sens dessus dessous et éparses, différents tableaux s'offrent à nous et peaufinent avec humour et sérieux mêlés, les moultes aspects de toutes les personnalités.
Ils surfent ainsi sur une palette d'anecdotes truculentes auxquelles les "trois comédiennes en une" prennent un malin plaisir à en rajouter et se targuer de mimiques et poses tout à fait charmantes. C'est frais, jeune, tonique, empreint de légèreté, et d'une scénette à l'autre en fin de compte, on ne peut s'empêcher de se reconnaître ne serait-ce qu'un peu dans la vie trépidante de Paola et ses aventures rocambolesques du quotidien, scrupuleusement relevées sur son blog, en totale liberté...
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Mais qu'on ne s'y trompe pas en imaginant un énième phénomène girly qui n'aurait d'audacieux que le jeu rafraîchissant de ses talentueuses comédiennes. Car là où Blogueuse va plus loin et sort des sentiers battus ou de la sempiternelle pièce de théâtre en mode "chick-litt", c'est en usant d'un vocabulaire châtié, nous présentant de la sorte un univers littéraire somme toute très agréable, encore plus à une période où notre cyber-monde nous semble parfois totalement sms-isé. Rien de cela ici, c'en serait même tout l'inverse et le paradoxe n'en devient que plus flagrant au fil de la soirée puisque l'héroïne, face à la légèreté de ses horriiiiibles problèmes (naturellement jubilatoires pour le spectateur), fait preuve d'un réel phrasé et d'un sens de la répartie délectable. Forte de ses études de "Lettres Modernes" (on comprendra alors pourquoi je me sens concernée ^^), elle survole la pièce avec une aisance de la rhétorique qui détonne fortement avec la cocasserie de ses propos.
Chaque historiette se voit ainsi truffée de jeux de mots entendus, de tournures non dénuées d'un deuxième degré fort appréciable ainsi que, comble du bonheur pour moi, d'une bonne dose de cynisme et d'ironie, allant jusqu'aux citations à l'infini.
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Cerise sur le gâteau pour touche finale assurée: un comédien, garçon de son espèce et issu du panel des personnages insolites, se dévoile enfin, avec force répondant, pour contrer sa blogueuse de copine et contre-argumenter à grand renfort de répliques très masculines d'une maturité virile incluant notamment... une Playstation 3 ?
Eh bien non, ce n'était assurément pas le mot de trop comme on aurait pu le penser, mais plutôt une conclusion en beauté, inopinée et sympathiquement amenée, pour une performance scénique dynamique et pleine de jeunesse...
... Ou comment quelques acteurs gagnent vraiment à être connus !
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A défaut de pouvoir recommander la pièce à présent, j'espère bien vous avoir aiguisé un peu la curiosité de vous renseigner, le souvenir d'y être allé, le regret de l'avoir manqué, ou même l'envie, bien que ce soit un péché capital pas très joli ;)
C'est qu'il me tardait de faire partager Blogueuse ici-même par quelques bribes empreintes d'humour et de poésie, la thématique trouvant naturellement sa place dans mon blog girly, mais plus encore dans son traitement gorgé d'ironique fantaisie.
Car au diable l'influence ! Admettons-le: toute blogueuse digne de ce nom se reconnaîtra tôt ou tard lors d'une scénette impromptue, tempêtant inlassablement à sa meilleure copine qu'elle ne peut pas sortir car elle blogue, glissant dans un billet quelques sous-entendus bien méchants sur sa vie privée qui sauront taquiner la personne concernée, ou se trouvant systématiquement à photographier tout ce qu'elle pourra acheter/visiter/confectionner ;)
Ciblée pour un public de jeunes adultes (25-35 ans) qui transcende les filles et instruit les garçons, Blogueuse a pour ainsi dire son "fan-club" et sans doute un peu "too much" par moments (était-il bien nécessaire de faire travailler l'héroïne dans la com', histoire d'en rajouter une couche ?), elle gagne en intensité par sa fougue naturelle et sa véracité bien malgré elle. Très moderne, elle n'est pas vouée à toucher tout le monde mais elle dresse cependant un tableau très juste quoique acidulé d'une génération internétisée, dont les moyens de communications multiples n'empêchent pas les problèmes du quotidien d'affluer.
En bref, il s'agit d'une pièce joyeuse au dynamisme fort bien amené (et prônant la liberté de bloguer ^^), en mode geekette-girly mais qui, bien loin de s'en contenter, a l'intelligence d'être plurielle, dans sa mise en scène comme dans ses bons mots.
Attendrissante à souhait et d'une légèreté ambitieuse, on en redemande !
-Livy-