La face cachée de Marc Levy
Marc Levy et moi, c'est avant tout une histoire de désamour.
Non pas qu'il me soit antipathique en fin de compte, ni l'homme en tant que tel ni son esprit. Seulement voilà. Le best-seller facile, le roman-mélo qui tombe à l'eau, et l'univers de bisounours en mode adulescent, c'en est simplement trop.
Sa plume et ses écrits suscitent en moi agacement et yeux au ciel, tandis que je l'apparente volontiers à un imaginaire version fleur bleue, un monde meilleur en rose guimauve, toutes couleurs de l'arc-en-ciel confondues qui s'amoncellent.
Un titre amûûûreux ? Un "happy end" bancal et chancelant qui s'obstine à remplacer LA phrase qui pourrait faire mouche ? Du marshmallow quand on souhaiterait de l'amertume, ou bien la pop de Mika qui détrônerait le grunge de Nirvana ?
Il ne faut pas m'en vouloir au fond puisque naturellement j'aime ce qui tranche dans le vif, qui fait mal et qui attaque. L'argument de choc ou l'exemple chic. Le romanesque utilisé à bon escient. La démarche créative. L'esprit d'à propos.
Tout ce qu'au final, ses romans ne possèdent pas.
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Et si ma plume est critique ou bien acerbe, c'est que la mièvrerie littéraire m'obsède tout autant qu'elle me déplaît. Elle apparaît parfois dans mes lectures du quotidien, au détour d'une page, d'un mot, d'une tournure, surtout, qui me dérange parce qu'elle gâche tout. Je la combats ou bien la fuis, mais en aucun cas ne la retiens. Je me souviens même l'avoir découverte avec Paul et Virginie de ce cher vieux Bernardin (Ndlr: De Saint Pierre)...
Et c'est sans doute dans l'à peu près de ces mots-là que dans une conversation, je ne sais même plus pourquoi, je me suis exprimée sur l'auteur, il y a de cela quelques mois.
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A cet instant, je ne me serais pas vue écrire ici sur Marc Lévy, pensez-vous donc !
J'aurais continué à semer mon scepticisme face à ces exaspérants romans eau-de-rose et aurais très certainement poursuivi encore si mon interlocuteur, somme toute assez d'accord avec moi mais avec une nuance que de toute évidence je ne possédais pas, n'avait pas jugé bon de me prêter un livre suite à notre discussion...
Un livre tout petit et très inconnu, le genre de format vendu avec un magasine qu'on lit en une seule fois, et parce qu'il est, je site, "Une nouvelle inédite ELLE/Robert Laffont."
Mais dés lors, et trouvant le quatrième de couv' plutôt étoffé et sacrément bien pensé, c'était comme une évidence que, la curiosité aidant, ma PAL allait s'agrandir d'un chouïa...
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Ce qu'en dit le quatrième de couv'...
"Ils sont auteurs.
Il adore ce qu'elle écrit, mais ce n'est peut-être pas tout à fait réciproque.
En commun, ils n'ont que la même maison d'édition... et un casier à lettres près du standard.
Toute ressemblance avec des personnages existants seraient purement fortuite. Néanmoins (...) après enquête, il semblerait que leur maison d'édition soit commune."
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Exit donc les "a priori" !
Car si j'appréciais déjà l'esprit humoristique très second degré de Sophie Fontanel, sa vivacité de pensée et sa créativité perspicace, le sens décidément fort accru de la dérision dont Marc Levy fait preuve ici ne m'a pas, lui non plus, laissé de marbre.
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Quand on y regarde de plus près en effet, le titre en lui-même déjà prête à sourire. Mais en fouillant un peu au-delà, c'est à un vrai petit recueil de n'importe quoi que l'on se heurte, de la volonté de ne pas se prendre au sérieux au jeu des répliques absurdes, des échanges dénués de tout sens concret à une petite tendresse charmante qui s'y répand crescendo.
Rires et bonne humeur, Les deux auteurs se renvoient joliment la balle, d'une plume sympathique, se laissant aller à l'art de dénicher les idées les plus saugrenues possibles.
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Lecture fluide, ton agréable et oralité qui nous accroche, il semble presque impossible de passer à côté puisque l'on s'y perd de bon cœur, d'autant plus que le mini-ouvrage est une poussière d'étoile qui se lit en une petite demi-heure...
Présenté comme un roman épistolaire, Un conte d'auteurs est agile, furtif et bien pensé.
Il se veut joueur, intrépide et hasardeux, tandis que nos écrivains se targuent de l'erreur qui a bon dos d'une lettre glissée dans le mauvais casier pour mieux s'en amuser.
Cerise sur le gâteau enfin, l'imaginaire est roi et se déploie ici sous la forme de Cristobal, petit fantôme à croquer qui, en plus d'être le fil conducteur tout guilleret de notre histoire sans queue ni tête, inspirera M.Levy et S.Fontanel pour leurs romans à venir...
Une promo-cadeau à fleur de peau ?
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Il faut bien alors me rendre à l'évidence et me raviser enfin pour reconnaître à Marc Levy une écriture pas si médiocre que je ne l'envisageais. J'entends par là, sans évoquer la grande littérature (parjure !!), un humour sensible tout à fait lisible, sans chichis ni niaiseries, une joie de vivre amusante et un imaginaire qui en fait trop tout juste quand il le faut.
Non pas que ce soit la nouvelle la plus brillante qu'il m'ait été donné de lire ces derniers temps ou bien les mots qui auront bercés mon été, je n'irai évidemment pas jusque là.
Mais Un conte d'auteurs est simplement une agréable surprise à laquelle j'étais loin de m'attendre et qui m'a donné envie de lui consacrer un léger billet.
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Qu'à cela ne tienne, je ne deviendrai pas adepte des romans de Marc Levy, ni aujourd'hui ni demain. On ne se refait pas je crois, et je pense tout bêtement que je n'en ai pas très envie.
Mais pouvoir découvrir une nouvelle facette d'un écrivain, touchante et surprenante qui plus est, relève toujours selon moi du domaine de l'attrayant en matière de lecture.
Aussi, l'ai-je perçu sous un tout un nouvel angle, pourvu jusqu'au bout des ongles de cette auto-dérision dont je me suis délectée, et ne suis assurément pas déçue du voyage.
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Alors oui, un petit livre facile et riquiqui m'a embarqué cet été,
Et follement, je me suis vue être tentée.
Maintenant, même si sur les ouvrages de M.Levy, je ne changerai pas d'avis,
Je ne regrette absolument pas d'avoir laissé le quatrième de couv' opérer,
Pour mieux ouvrir mon esprit ;)
-Livy-