L'Hôtel de Ville dévoile "Izis, Paris des Rêves"
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De petites journées de repos ensoleillés, du pollen plein les rues, des balades parisiennes bienvenues et de fugaces instants de bonheur sur le vif, tout juste capturés... Ambiance de ces dernières semaines et voici le tableau dressé autour de faits divers et variés.
Au sein de tout cela, une exposition gratuite.
Belle, impromptue, imprévue, et qui devait bien laisser ses traces et souvenirs dans quelques élans de nostalgie que le printemps nous offre et nous promet de savourer.
Petit aperçu en douceur d'un moment comme je sais les apprécier, emprunt de légèreté.
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Izis, c'est avant tout l'histoire d'un photographe pluriel, talentueux et méconnu, sans doute un peu de trop. Un éternel rêveur, un torturé romantique, mélange d'utopie et de vérité. Toujours humain même dans la tourmente, plein d'espoir dans les yeux et de petite parcelles de magie derrière son objectif. Un artiste énigmatique somme toute, et à fleur de peau comme on aime tant en découvrir, contemporain de Ronis, Cartier-Bresson ou Doisneau et, à juste titre, en plein dans le courant de ces photographes "humanistes" qui nous ont comblés de clichés authentiques d'un autre temps. Un artiste oublié aussi, mais dont le nom passé trop vite à la trappe n'a pourtant pas échappé aux organisateurs de l'exposition de l'Hôtel de Ville, qui nous ont gratifiés, une fois encore, d'un moment somptueux afin de donner à l'homme une seconde vie, et à nous autres la chance de le découvrir...
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Nulle surprise alors mais l'exposition, comme toujours à l'Hôtel de Ville, s'est révélée excessivement bien agencée. Claire, concise et aérée, elle nous a permis de circuler d'étapes en étapes sur différentes thématiques de l'œuvre du photographe et ainsi découvrir toute la palette d'émotions et de sentiments qu'il a pu faire figurer dans ses clichés avec la sensibilité d'un homme profond en quête d'absolu.
De plus, l'évènement intitulé Paris des Rêves nous a bien évidemment conduit sur les chemins de notre capitale comme l'on aurait pu s'en douter mais pas seulement.
C'est alors tout le travail d'Izis qui a été remis au goût du jour, initiative joliment originale suivant son parcours atypique et chaotique, peuplé de rencontres merveilleuses, de passions, d'Histoire et de voyages.
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C'est un fait: Izis surprend notamment par la pluralité de ses clichés, cette étonnante capacité presque facile de passer d'un thème à un autre, de ressenti en ressenti, et d'y amener une touche personnelle, qui est à la fois toujours et jamais la même, avec cette grande effusion de sentiments qui lui est propre.
Ces "portraits", exposés le long de la galerie d'introduction, témoignent d'ailleurs à eux tous seuls d'une élégante sobriété qui les rend édifiants de par leur simplicité même. Et si ceux consacrés aux soldats maquisards sont dénués de toute fioriture, marquants par leur état brut et leur absence de travail sur l'image en tant que telle, symbole volontaire d'un pays en guerre, d'autres effectués sur de nombreuses personnalités (Albert Camus, etc...) possèdent cette ligne épurée qui les rend justes et beaux.
Sans plus d'attraits dans la photographie que des impressions cueillies sur le vif, Izis parvient à capter des expressions de visage saisissantes et un contraste de lumière qui, à lui tout seul, accentue les différents traits de personnalité de ses modèles et décompose l'image, laissant alors libre cours à notre imagination.
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Izis est drôle aussi, et attachant. Lorsqu'il photographie les animaux du zoo, il use de beaucoup d'humour et de recul, et provoque ainsi un rendu presque irréel tandis qu'il réussit, là où rien ne semble particulièrement palpitant, à saisir de petits riens, des gestes, des mouvements, mais autant d'éléments qui vont rendre le cliché intense pour on ne sait quelle raison et nous laisser le contempler, le sourire aux lèvres. Surprise, amusement et dynamique... Il y a dans sa vision de la photographie, une sorte de bonté intelligemment amenée, une passion à découvrir, une envie de partage.
C'est cette envie d'ailleurs qu'il nous communique avec sa thématique du cirque qui semble lui être si chère. Les clichés se multiplient en saisissant l'insaisissable, en montrant ce que d'habitude on ne montre pas, volonté soudaine de nous emmener dans un monde à part dont on ignore presque tout. Des attractions à la vie itinérante, des animaux aux personnalités foraines incongrues (nains...) dont on se rit, ses photographies sont un véritable carnet de voyage, un peu intime, où les mots sont des images qui s'ouvrent à nous et parlent mieux que tout. Et si l'aspect un peu dérangeant de cette tranche de vie ne m'a pas toujours convaincue au sein de l'exposition, il m'a paru évident qu'Izis voulait évoquer cette étrangeté pour mieux lui rendre hommage et nous guider vers la découverte, nous incitant ainsi à nous y ouvrir, qu'on la trouve captivante ou qu'elle nous laisse sur une impression mêlée de tristesse et de stupeur.
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Peu à peu alors et au fil des salles, on découvre un parcours riche et complet: des clichés pour reportages journalistiques, des voyages à l'autre bout du monde, des rencontres, des rêves... et Paris. Un Paris revisité, imaginé, transcendé par mille petits détails, le Paris d'Izis tout simplement. Et ce Paris là, romanesque et un peu utopique aussi, est une ville magique, mystérieuse, pas comme les autres. Elle s'offre à nous voluptueusement, curieux mélange de notre capitale un peu "cliché", de ses amoureux qui se bécotent sur les bancs publics, de sa poésie rétro si charmante, et d'instants capturés pour l'éternité...
"La Seine m'attire toujours. J'ai rendez-vous là-bas avec mes personnages."
Il y a de l'idéalisme dans l'air, de l'humilité bien amenée, et du paradoxe, quand la beauté côtoie la misère. Ainsi, tandis que l'œil attentif du photographe surprend les banalités du quotidien pour leur rendre leur importance, se divertit des loisirs du dimanche et s'éprend de l'amour avec ferveur, il oppose à ce joli tableau un côté tourmenté plus accru, s'attardant sur la vie des SDF, sur la pauvreté ambiante et dépeint dans ses clichés un univers bien plus sombre cette fois, avec une infinie sensibilité.
De cette dualité de son œuvre, surgit sa force, ses convictions et son instinct.
Izis serait-il alors un artiste réaliste ou le rêveur ambulant qui façonne le monde à sa façon?
La question demeure quand son Paris des illusions, simple et envoûtant, joue à cache-cache avec la chronologie, les idéaux, le vrai comme le faux, l'abstrait, l'obscure ou le beau.
Et d'ailleurs, il l'affirme lui-même:
"C'est toujours "mon" Paris que je photographie.
Je vais souvent dans les mêmes lieux. Ce n'est ni le Paris moderne ni le Paris ancien."
Photographe rebelle qui impose sa touche personnelle dans un genre qui nous est cher et pourtant coutumier, il s'affranchit de son côté des codes pour se laisser guider au gré de ses envies. Il nous promène alors de rêve en nouveauté. Et dans sa perception d'exception des futiles banalités, de tranches de vie courante comme de sujets ô combien plus graves, se dissimule toujours l'empreinte de la sobriété et d'un sacré grain de folie, comme trace d'un talent brut mêlé à une touchante naïveté.
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Il nous emmène enfin dans ses voyages divers, et fait d'abord une halte dans un Londres surprenant. Une ville qui ne peut dissimuler la misère d'après-guerre rendue quasiment palpable par des clichés inquiétants et mystérieux qui se pâment dans la brume.
Mais aussi une capitale, celle-là même qui redresse fièrement la tête et étale sa joie contagieuse, portée par le couronnement de la reine Élisabeth II.
Plus fascinant encore, Izis tire de son voyage en Israël des clichés qui transfigurent le malheur en beauté. Il nous emporte alors avec lui dans un tourbillon de photographies touchantes qui saisissent les émotions jusque dans les yeux des enfants, et tente ainsi une approche nouvelle de la souffrance, toute en pudeur et en finesse, supposant l'art comme une tentative de contrer la misère et le côté vil du monde...
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Ainsi s'achève l'exposition, toute de découvertes vêtue.
La personnalité hors-normes d'Izis est un diamant à l'état brut, qui brille ou qui dénote, mais que l'on peine assurément à imaginer dans l'anonymat ou presque.
Son désir romanesque, empreint de naturel et de bonté, nous offre une œuvre sensible et écorchée où l'aspect esthétique se laisse parfois totalement happer par un côté poétique très prononcé, tant le besoin d'imaginaire se révèle omniprésent.
Mélange de rêve, d'espoir ou de désillusions, le parcours du photographe entremêle le romantisme bienvenu à l'objectivité grave d'une vie qui ne dévoile que trop souvent l'envers de son décor. Et quand la volonté de montrer au moyen d'un cliché ardent ce sur quoi l'on ne s'attarde pas se fait trop forte, dans un réalisme dur mais avéré, l'imaginaire en refuge reprend le dessus, nous donnant le désir d'un monde mystérieusement édulcoré où la fraîcheur figurerait sans doute partout, exceptée là où on l'attendrait...
A Paris ou ailleurs, Izis demeure le défenseur d'une vie insolite et rêvée, et son œuvre toute entière dévouée à cette cause nous transporte, toujours avec cette touche douce-amère en pleine vague de folie, qui mêle la mélancolie des jours passés à l'enthousiasme latent d'une délicate nouveauté.
"On me dit souvent que mes photos ne sont pas réalistes
Elles ne sont peut-être pas réalistes, mais c'est ma réalité."
-Livy-