Deux mois, deux romans, l'évasion en prime
... L'évasion oui, mais pour le reste, rien n'est moins certain. Car nul doute qu'il y ait eu un peu plus que deux livres dévorés en ces jours d'hiver, soyez-en assurés, mais puisque le titre sonnait bien, j'ai préféré, malgré son aspect mensonger, le garder intact ^^
Toujours est-il que, forte de ma wish-list littéraire établie en décembre dernier et quelque peu dévoilée dans ce blog, je me devais de m'atteler comme il se doit aux deux romans récemment parus qui avaient le plus attirés mon attention, et dont les quatrièmes de couverture me tenaient déjà en haleine sans même avoir encore feuilleté le contenu.
Les longues journées emplie de neige et de froid ne manquant pas en cette saison, il me fut donc plutôt aisé de trouver le temps nécessaire au plaisir de me réchauffer dans ma grotte, confortablement installée un livre en main, et ainsi m'enivrer de l'odeur des caractères fraîchement imprimés, interrompant parfois la page du moment au profit de quelques retours en arrière inopinés et de rêveries quasiment instantanées. Ajouter à cela le choix cornélien mais tellement magique de trouver une place de choix pour ces nouveaux acquis au beau milieu de ma bibliothèque, et c'est alors plus d'une fois que je me suis surprise à les contempler, dans une envie pure de simplicité, les effleurant légèrement du doigt comme s'ils allaient s'évaporer dans la minute qui s'ensuivrait.
Ainsi, adepte passionnée de mon cocon ou bien de l'évasion, je me suis laissée aller à quelques langueurs bien à propos, entamant ces lectures qui me tentaient tant. Et finalement, faciles tout autant qu'agréables, je dois bien admettre que je les ai dévorées sans plus attendre.
En effet, portée par l'envie de la découverte et l'évolution de deux auteurs qui me tenaient à cœur, la motivation se montrait de rigueur, tandis que les petits romans facteurs de bonne humeur et du fameux "Vivement que je sois chez moi à poursuivre ma lecture", se révélaient à moi au fil des pages, laissant sur leur passage, chacun à leur façon, une certaine fluidité, de l'inventivité joliment amenée et une franche surprise dans le style comme dans la thématique.
Il ne me restait plus alors qu'à en éparpiller quelques bribes ici-même pour et c'en serait presque parfait...
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Mauvaise fille de Justine Lévy
"Louise est en pleine confusion lorsqu'elle va rendre visite à l'hôpital à sa mère sur le point de mourir, pour lui annoncer qu'elle va bientôt mettre au monde son premier enfant... "
Emportée par la plume dure et juste de Rien de grave, son roman à succès à la sincérité brute, il me tardait d'en découvrir d'avantage sur l'œuvre de la jeune auteure, mais je ne savais pas encore que l'étonnement allait être à ce point au rendez-vous.
Certes, les similitudes semblaient bien flagrantes a priori, à commencer par le propos, ici encore autobiographique. Et c'est ainsi que j'ai pu découvrir les méandres des personnages, tout comme leurs questionnements, laissant une fois de plus transparaître leurs failles et leur fragilité touchante.
Une occasion supplémentaire de les apprécier et les comprendre, même sans s'y transposer forcément, tout en laissant monter en nous un certain tumulte des sentiments, celui-là même qui jonche le roman avec la violence fragile qui ne cesse d'envahir Justine Lévy.
C'est que le choix des mots, l'oralité à fleur de peau et l'irrégularité intrépide d'un style qui se perd entre prise de conscience, maturité et crise d'adolescente faussement achevée, constituent autant de points forts pour ce livre pluriel qui n'a de cesse de surprendre, au fil des pages, dans son éparpillement malin.
En effet, entre la peur et l'humour, les remords et l'amour, on hésite, on s'égare, on tâtonne. Un peu comme elle, comme l'héroïne. Tout simplement perdus dans un quotidien empreint de douleur mais aussi parsemé de cette délicate pudeur, très jolie au demeurant, et qui s'échelonne de mot en mot pour apporter à l'ensemble la beauté escomptée et le message qui en découle. Serait-ce ici une part de vie des plus sincères? Sans aucun doute.
Au final, la grande surprise est bel et bien celle-là: le thème, qui tend pourtant à une grande généralité de l'existence, parvient à laisser complètement en retrait l'éventuelle banalité qui aurait pu mettre en danger le livre. Et cet insolent roman s'emploie de surcroît à la transcender et l'aborder d'une façon personnelle, volontairement gauche mais décidément charmante, pour mieux la traiter.
Car loin d'être un grand cri de souffrance sans plus de consistance, Mauvaise fille, moins médiatisé que son prédécesseur (qui traitait tout de même d'une des relations-clé de Carla Bruni), révèle une réflexion plus profonde sur les rapports mère/fille, l'approche de la vie comme celle de la mort, et l'effroi ou le miracle de devenir mère...
Pirouette habile, le style se prend au jeu du parallélisme pour mieux déjouer les codes de la linéarité, tandis que Justine Lévy, qui se donne le mauvais rôle comme à son habitude sans pour autant se fustiger vainement, rayonne de mille feux dans son univers doux-amer qui crie au mystère.
Ainsi, les cassures succédant à la tendresse avec brio, les émotions se mêlent ou s'entrechoquent furtivement au sein de ce livre singulier, sec, et décidément très actuel.
Une jolie écriture pour laquelle on se prend d'emblée en affection, dans la sensibilité attirante de l'imperfection.
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Un roman français de Frédéric Beigbeder
"Une approche de la mémoire et de l'enfance retrouvée dans l'été inachevé de la côte basque où les parents de Frédéric se rencontrèrent, mais aussi le passage à l'âge d'homme, la mue d'un gamin immature en adulte pacifié."
Retour sur le Beigbeder nouveau avec grand plaisir, le dernier opus de l'écrivain sulfureux ne ressemble assurément en rien aux précédents mais boucle un parcours de jeune premier chaotique et déjanté au moyen de ce roman autobiographique sensible et pertinent.
Changement radical de style ou de mode de vie, c'est qu'on l'attendait au tournant mais qu'il réussit pourtant avec beaucoup de sincérité le revirement de situation et la prise de recul, sans omettre les frasques et bévues, le rendant d'emblée plus crédible. Et si l'homme-dandy ne transparaît pas forcément de façon explicite au sein de ce Roman français, le fêtard invétéré, lui, en prend pour son grade au moyen d'une critique constructive qui, à mon goût, ne frôle pas la caricature mais se laisse apprécier progressivement, dans un cynisme fort à propos qui poursuit toujours l'auteur autant qu'il nous captive.
De ce fait, le livre parvient à émouvoir aussi bien par ses évocations du monde de la nuit, ses excès et sa luxure (n'est-ce pas de la sorte qu'on a appris à aimer les mondanités facétieuses de Frédéric Beigbeder après tout?) que sa tonalité nouvelle, éminemment plus sage c'est certain, mais sans jamais tomber dans le mélodrame dépité.
A mi-chemin entre ce que certains critiques nomment à juste titre "le livre gueule-de-bois" et une maturité qui se dessine, la différence dans le propos détonne dans le bon sens du terme, et apporte avec elle une compréhension toute nouvelle de l'ensemble tourmenté de l'œuvre du poète ironisant des temps modernes.
De plus, là où les dogmes de la société se mêlent aux pensées personnelles, il n'y a qu'un pas, et l'auteur le franchit aisément, sautillant d'un sujet à l'autre avec des mots choisis et des phrases qui font mouches, comme il en a le secret.
Pari réussi alors pour un homme qui sait de toute évidence parler de lui comme personne d'autre. Et si l'auto-congratulation parfois un brin prétentieuse pourrait apporter un bémol au roman, ce dernier semble bien vite rattrapé par la réflexion sur une enfance en demie-teinte, qui saupoudre l'histoire familiale d'impressions prises sur le vif et que le recul des années analyse avec une passion objective.
Ainsi, la noirceur colorée de l'ensemble sur fond d'une époque révolue, additionnée d'un charme un peu voyeur de la part du lecteur et d'une intimité quasiment palpable avec l'écrivain, ne peut laisser de marbre et ouvre à Beigbeder de nouveaux horizons.
L'envie de crier à une vie nouvelle, à un renouveau d'écriture, et d'effectuer, en même temps qu'une réflexion poussée et bienvenue sur les difficultés d'une société inadéquat, ce retour aux sources, si particulier, qu'il décide de nous offrir aujourd'hui, avec ce roman paradoxalement bancal et structuré.
C'en serait presque une jolie conclusion à ses romans chocs précédents qui n'ont de cesse de me fasciner, quand celui-ci me laisse dans un état plaisant de perplexité, qui attend un nouvel opus dans cette même continuité...
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Alors s'effeuille mon évasion,
Au détour d'une page, et au gré de mon imagination.
Quand les choses tournent mal ou quand les idées vont biens,
Je trouve dans quelques écrits de la littérature contemporaine,
De nombreuses similitudes comme une palette de sensations,
Et déniche l'envie de changer la donne, de miser sur l'avenir,
Me perdre en douceur. Vivre étrangement. Oublier le pire.
-Livy-