Un jour j'irai en scooter avec toi...
Les beaux jours reviennent, impertinents, et se rallongent de plus bel tandis que l'été se rapproche irrémédiablement.
Il flotte dans l'air un parfum de bonne humeur et de frivolité exquise, petits instants volés du printemps qui s'évapore, et je n'ai de cesse de vouloir exprimer ce sentiment au moyen de textes, de mélodies ou encore de fugaces photographies symbolisant quelques unes de mes vagues pensées. C'est un fait, l'abstrait m'appartient, l'abstrait me va bien. Pour le reste, il paraîtrait que je suis définitivement blasée mais qui sait?
Alors, dans la fraîcheur des matinées et la douceur de belles soirées, la nuit bien trop souvent aussi, je me plais à redécouvrir Paris au fil de balades désinvoltes que je désorganise volontiers, perdue dans une poignée de souvenirs.
Car j'ai beau connaître ma ville presque par coeur, je me perds et m'égare toujours dans l'imbroglio de la capitale. Ne cherchez pas, c'est simplement volontaire.
Serait-ce un recoin oublié? Un monument singulier? Je ne veux rien savoir et file droit vers l'Inconnu, pourvu que des idées me viennent à l'esprit et que je puisse les noter.
Et si ce n'était mes pieds fatigués qui me dictaient, impitoyables, la sage idée de rentrer, je crois bien que je resterais là, des heures durant, sur un quai de Seine ou bien un pont, dans une impasse aux vieilles pierres ou un marché aux fleurs peut-être même pas ouvert, juste à contempler... et puis rêver.
Mais hélas, arrive toujours ce brin de fatalité réaliste qui me ramène jusque chez moi. Sans joie. La vraie question que je me pose un peu, c'est pourquoi?
*
Il fut un temps, pas si lointain mais quand même, où mon Paris était libre et insouciant.
Il se savourait en deux-roues et la vitesse de ses rues parcourues lui donnait un goût acidulé et piquant, ce goût même qu'on attribuerait presque au bonheur.
L'adrénaline stimulait mon être et ce Paris là, à l'air libre et au rythme vif d'un moteur trop beau pour être honnête, me faisait ressentir comme une simulation d'évasion en pleine capitale, le côté "Vespa" en prime, comme dans un film ou une chanson.
C'était cliché mais c'était rêvé.
Un été tout entier constitué de balades bucoliques et charmantes, à -presque- jouer les touristes en plein Panâme...
*
Un zeste de palais de Tokyo au crépuscule et une petite pause près du Trocadéro avant de filer droit vers le quartier latin qui ne dort décidément jamais?
Un soupçon de Tour Eiffel qui parsème chacune
de ses heures de petites lumières incandescentes, et puis le fameux pont de Bir-Hakeim...
Une pointe de vitesse aux Invalides, une évasion par les voies sur berge.
Une pincée de l'île Saint-Louis avant de me prendre au jeu à la Bastille.
Effleurer Montmartre et se perdre dans ses vignes.
Longer le canal Saint-Martin pour arriver à l'hôtel du Nord,
et m'imaginer réincarnée en
Arletty.
Je n'étais sans doute qu'une passagère lambda et puis après? Dans ces moments-là, où l'éternité devient possible, je pouvais tout voir, tout observer et rire aux éclats le nez au vent.
Comme si plus rien de mauvais ne m'atteindrait. Jamais.
*
Dans les ombres au lointain, je distinguais des choses floues;
En fait, je ne distinguais rien du tout parce que mieux, je les ressentais.
C'était Paris ou bien le bout du monde mais ça devenait accessible en quelques petites secondes et les images défilaient comme des instants photographiés dont il ne reste peut-être qu'un flash instantané mais si puissant qu'on s'en souvient, des années après.
Tellement de choses demeurent en retrait si tant est qu'on ne les voit pas.
Mais comment les voir à la vitesse d'un escargot paresseux en vadrouille ou bien réfugiée sous un toit, dans la plus charmante des voitures?
Les fragiles moulures d'un bel immeuble, un loft illuminé et design à souhait, une ruelle pavée à peine éclairée, une maison boisée toute de tags artistiques parsemée, un chemin verdoyant pour accéder à la Petite Ceinture, un cul-de-sac au nom alambiqué, une ancienne gare devenue restaurant ou un adorable château en plein Marais...
Ils étaient là, les oubliés de mes balades à pieds et se dessinaient sous mes yeux, improbables mais pourtant réels. J'avais juste oublié de lever le nez.
"Ils", c'était ces petits riens un peu sacrés, un peu mystérieux, que j'avais toujours souhaité voir mais n'avais jamais vu jusqu'à cet instant, par mégarde ou par omission.
Il m'avait sans doute manqué du temps, de la faculté de déplacement, de la motivation.
Ou peut-être simplement l'envie de partager ce moment.
*
Ainsi, des mois durant, des années maintenant devrais-je dire, j'ai nourri l'éventualité d'avoir un deux-roues, mais rien qu'à moi cette fois. Juste pour revivre ces balades estivales ou qu'importe les intempéries après tout, j'aime bien l'idée de balades sous la pluie aussi. Ressentir une extase ou la féerie de la découverte toujours renouvelée. Me poser un peu et puis redémarrer. Je suis tellement friande de sensations diverses et plus encore de liberté...
Alors ça n'aurait pas été pareil, je le sais bien. Rien n'est jamais pareil. Mais du moins, ça aurait pu exister, m'inspirer, et rien que cette perspective était plutôt bien.
Seulement la suite de l'histoire, lecteurs assidus, vous la connaissez déjà. A la place d'un "scooter", ma petite vie, non contente d'avoir déjà subi quelques légers changements en cette période trouble de la fin 2007 s'en ai vu attribuer de nouveaux encore et (non, trois fois non, je n'évoquerai pas ma longue panne d'internet hivernale cette fois-ci, c'est promis) j'ai du trouver en toute hâte un nouvel appartement. C'est une sorte de choix après tout, on pourrait présenter les choses de la sorte (je n'aime pas franchement le mot "obligation") et puis pas si mal à bien y penser puisque force est d'admettre que je raffole de ma nouvelle bulle d'étoile.
Mais le fait est que je n'ai pas pu avoir mon deux-roues tant souhaité.
Ni récupérer quelques sensations de vie intensifiées afin de renaître vraiment.
*
J'aurais bien tenté le Solex un temps d'autant plus que j'en avais un sous la main (et d'époque de surcroît), mais il n'y pas de rangements dedans et je reste une fille au demeurant...
Ainsi, le rêve qui ne devient pas réalité se fait toujours désirer, peut-être plus encore à l'approche de l'été, et puisque le temps tourne irrémédiablement, je me ferais bien un caprice de fille de vingt-six ans... Ah si seulement :)
Une couleur bleue nuit, une selle beige, le tout saupoudré d'un parfum d'Italie...
Des envies qui me trottent dans la tête et que pour rien au monde je n'oublierais.
Peut-être un jour, ne sait-on jamais.
Quand on désire vraiment quelque chose,
finit-on par l'obtenir à force de passion ou bien de déraison?
Il me faudrait juste faire une pause, le temps de savourer mes grands projet de liberté.
Me mettre à penser à tous ces petits riens qui feraient de ma vie un conte de fée.
Paris et quelques autres "objets", c'en serait presque le songe d'une nuit d'été.
-Livy-
BONUS
--> Thème de La Leçon de Piano - Michael Nyman <--
Sur fond d'évasion nostalgique
Parée d'une sensualité aussi passionnée que magique...