Sur les traces de l'alchimie, en plein Paris
Par un curieux hasard, quelques unes de mes balades inopinées au cours de l'année passée m'ont conduites à m'intéresser de plus près à la thématique de l'alchimie à Paris.
L'alchimie...
L'étude des matériaux nobles, leur transformation, la pierre philosophale, le fameux et non moins mystérieux élixir de longue vie...
Voilà donc un sujet pour le moins occulte que je ne maîtrisais que très peu mais qui, à plusieurs reprises, n'avait pas manqué de me captiver de par son côté ésotérique, mystique et spirituel pour ne pas dire magique.
Par ailleurs, l'ancienneté de la discipline, le rapprochement avec la chimie en tant que telle et la philosophie polémique qui en émanait avaient de quoi susciter de nombreuses interrogations de ma part, surtout lorsqu'on sait combien la réputation de l'alchimie possédait cet aspect sombre et critique qui n'a de cesse de me fasciner.
Une bonne raison alors de l'appréhender "en réel" dans la ville-capitale plutôt qu'en théorie et m'en aller voir d'avantage de quoi il retournait.
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Ni une ni deux, c'est devant un haut lieu de l'alchimie que je me suis d'emblée retrouvée:
la maison de Nicolas Flamel.
Nicolas Flamel, et c'est une honte, je l'avais découvert dans ma prime jeunesse en lisant Picsou Magasine parce que dans l'une des bandes-dessinées, il était justement question de l'élixir de longue vie et cela prêtait un argument supplémentaire à une intrigue des plus farfelues.
Plus tard naturellement, je m'étais intéressée au personnage, au vrai, à sa vie bourgeoise et mystique comme à son mythe, à la légende de l'élixir de longue vie, sa découverte de la pierre philosophale et son rôle prépondérant dans l'alchimie alors qu'il ne s'était jamais proclamé alchimiste de son vivant. Mais c'était sans compter une nouvelle évocation de l'homme, plutôt inattendue, dans une saga littéraire répondant au doux nom de "Harry Potter" et qui faisait de lui un ami du grand Albus Dumbledore.
De quoi brouiller les pistes pour de bon et laisser s'entremêler le vrai au faux au sein de ma réflexion.
Sa maison quant à elle, classée monument historique, a un peu rétabli mes idées brouillons, me laissant bouche bée, peut-être parce que je n'avais aucune idée de ce à quoi m'attendre précisément.
Au 51 rue de Montmorency, Paris 3ème, en plein coeur du Marais, je me suis en effet retrouvée devant une vieille bicoque au charme fou et surtout un monument d'une importance incroyable quand on sait qu'elle est la plus vieille demeure de Paris, grandement restaurée au début du 20ème siècle et construite par Nicolas Flamel en 1407.
Elle aurait, en plus d'accueillir et de nourrir les nécessiteux, abrité les secrets et instants de vie d'un homme dont aujourd'hui encore, on ne parvient pas à percer toute l'ampleur du mystère et de la science, en ayant pour seule certitude la preuve de son existence.
Peut-être aurait-elle même recueilli en son sein la pierre philosophale tant convoitée, trésor inestimable des alchimistes, et les merveilleuses transformations du plomb en or mais qu'en sait-on vraiment?
Le fait est que par son statut de plus vieille maison parisienne et son habitant célèbre, elle sait imposer au touriste curieux le respect de l'Histoire et du lieu.
Aujourd'hui, elle s'est transformée en un restaurant et demeure un lieu de pèlerinage incontournable pour quiconque s'intéresse de près ou de loin à l'alchimie.
Pas d'explications insolites, pas de visite culturelle des plus détaillées, rien si ce n'est une preuve historique et symbolique.
Ses murs vieillis rappellent l'usure du temps et ses inscriptions en vieux français sous-entendent un passé chargé d'énigmes d'une autre époque tandis qu'elle laisse derrière elle une soif irrésistible d'en savoir plus.
Pourtant, l'épopée s'arrête ici tandis que le mythe demeure intact.
Nicolas Flamel s'en est allé, emportant avec lui des secrets fondés ou peut-être pas, les siècles ont défilé, et la maison, toujours debout, est à elle seule l'image emblématique de l'alchimie et de ses rites, ne dévoilant rien mais laissant supposer le pire comme le meilleur d'un passé lointain, pourvu qu'on fasse preuve d'un brin d'imagination.
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Toujours sur la même thématique du sieur Flamel, c'est vers le quartier de Châtelet-Les Halles que je me suis ensuite tournée, arpentant pour l'occasion la rue Nicolas Flamel baptisée ainsi bien après sa mort car il y aurait possédé une maison à un moment de sa vie ainsi qu'un atelier à proximité, marchant dans la zone de l'ancien cimetière des Innocents (cf billet sur les catacombes) auquel Nicolas Flamel fit quelques dons généreux afin de participer à son ornementation religieuse, et filant droit vers la Tour Saint-Jacques (4ème arrondissement).
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Une tour impressionnante que celle-ci, isolée au beau milieu d'un square, l'un des premiers espaces publics de verdure en plein Paris. Elle est tout ce qu'il reste de l'ancienne Eglise Saint-Jacques-de-la-Boucherie, un lieu de pèlerinage avéré sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, plutôt mystérieux et qui aurait peut-être abrité les expériences en matière d'alchimie de Nicolas Flamel et de son épouse Pernelle puisque l'homme y avait même installé une échoppe sous ses piliers. Par ailleurs, il aurait été un grand donateur de l'église en question, ce qui renforce le mythe à propos d'éventuelles transformations de plomb en or dans ce lieu, même si tout cela, débattu par de nombreux historiens, est loin d'avoir été prouvé.
L'Eglise fut démontée suite à la révolution française et il n'en est resté que la tour.
Elle en demeure néanmoins un lieu culte à l'histoire tourmentée et obscure et qui ne cesse d'attirer les curieux, aussi bien pour son apparence gothique que pour le côté énigmatique et imposant dont elle s'enrobe.
Un grand monument de Paris donc qui, loin de passer inaperçu, est à voir absolument malgré des travaux de rénovation pratiquement constants.
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Dans le même quartier et à proximité du centre Pompidou, l'église Saint-Merry était plutôt facile à visiter pour la suite de ma balade à thème, bien qu'elle ne suive plus exactement le fil conducteur concernant Nicolas Flamel.
Considérée comme l'une des plus belles églises de Paris et dans un style purement gothique, on l'a souvent décrite comme ayant été construite sur le même plan que Notre-Dame-de-Paris, une particularité de renom. Connaissant une histoire et une évolution des plus variées et étant aujourd'hui un endroit sacré et pluriel à la fois gorgé d'art et de solidarité, elle fut fermée à la fin du 18ème siècle et quitta le culte catholique un temps pour devenir une fabrique de salpêtre.
Ainsi sujette à quelques pratiques chimiques qu'on ignore en grande partie, elle bascula entre les mains de quelques alchimistes et de théophilanthropes qui la transformèrent en "Temple du Commerce" d'une grande beauté avant de redevenir une église dans toute l'acception du terme.
On raconte également qu'elle fut un haut lieu ésotérique puisqu'elle garde en son sein la représentation d'une étrange idole que vénéraient les Templiers, sorte de curieuse statuette vouée à chasser le démon et étant représentée sur la porte de l'église. Un raison supplémentaire de se pencher sur un mystère également non élucidé jusqu'à présent.
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L'église Saint-Gervais-Saint-Protais (4ème arrondissement) m'a entraîné quant à elle dans un tourbillon de légendes, de rites et de traditions, me faisant agréablement perdre et la tête et de vue mon objectif au beau milieu de ma promenade, à commencer par l'arbre qui trônait devant l'édifice et qui avait soit-disant des vertus miraculeuses sitôt qu'on y appliquait la main durant un temps donné.
Outre ces quelques considérations un peu païennes mais passablement amusantes, elle s'est avérée posséder en son coeur de curieuses représentations de l'alchimie puisque l'on pouvait observer sur quelques stalles sculptées une explication concise des pratiques du genre. Les stalles relataient en effet de manière évidente la façon de procéder afin de se livrer à des travaux d'alchimie et parvenir à des résultats satisfaisants, explorant ainsi la vaste thématique de la transformation de métaux vils en métaux plus nobles.
Il paraît également qu'une autre église que je n'ai pas eu l'occasion de visiter, Saint-Etienne-du-Mont (5ème arrondissement) présenterait sur ses vitraux des informations à peu près similaires et historiquement prouvées.
Et c'est ainsi toute l'histoire de l'alchimie qui perdurerait dans ses édifices à travers le temps, habilement dissimulée au sein d'un patrimoine culturel et religieux jusqu'ici demeuré intact.
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Les bonnes choses ayant toujours une fin, ma folle balade parisienne à travers les siècles et les légendes s'est néanmoins achevée devant l'un des plus célèbres monuments de la capitale et sans doute l'un des plus beaux: Notre-Dame-de-Paris.
La cathédrale, majestueuse, se laissait admirer dans la clarté des beaux jours provoquant en moi de vagues réminiscences d'une oeuvre littéraire éminemment connue d'un certain Victor Hugo et c'est presque sans m'en rendre compte que j'y pénétrais, l'arpentant de long en large, sans cesse plus admirative devant la richesse de son architecture et sa valeur symbolique.
C'est après quelques minute que je compris un peu mieux pourquoi ma thématique de départ m'avait conduit jusque là, lieu final de mes pérégrinations d'un jour.
Au niveau du porche central en effet, la cathédrale dévoile comme un trésor.
Plus d'une vingtaine de médaillons sculptés exposent, phase par phase, les différents aspects du travail de l'alchimiste dans son ensemble et comment accéder à la pierre philosophale, récompense suprême.
L'oeil du touriste lambda n'y verrait certes que de jolies sculptures d'une autre époque mais dans ma promenade à thème, je me devais de rester là à observer, déchiffrer, admirer...
Et ainsi mieux percevoir une "science" controversée qui traversant les siècles, est demeurée mystérieuse et incomprise, semant de lieu en lieu les traces diverses de son existence tout en gardant en son sein toute la puissance d'une fascination intarissable.
-Livy-
Naturellement, ce billet est rédigé en toute subjectivité.
Les lieux nommés présentent également d'autres aspects culturels non évoqués ici.
Les faits s'appuient aussi bien sur des écrits historiques aux sources avérées que sur des légendes demeurées inexpliquées.
Il n'est donc pas à prendre au pied de la lettre
Ni à analyser dans un objectif historique pur,
Mais peut faire l'objet d'une balade parisienne insolite
ou tout simplement la découverte de l'alchimie et de son mythe...