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Livy Etoile
3 février 2009

Trois petits livres pour l'hiver

Dehors, il neigeait.
Il neigeait depuis plusieurs jours déjà de gros flocons ronds qui envahissaient les rues de Paris comme presque jamais je ne l'avais vu auparavant et le ciel bas de la capitale semblait lui prodiguer une nuit éternelle.
Le sol revêtait sa parure verglacée tandis que les passants se faisaient rares, pressant le pas jusqu'à leurs logis.
La lumière pâle des réverbères donnait à la neige une noblesse délicate et la faisait régner en maître au sein de ce paysage ouaté.
L'hiver avait bel et bien retenti, téméraire et mystérieux à la fois, et il s'avérait particulièrement rude.
J'étais prostrée devant ma fenêtre et je pouvais y rester des heures durant, savourant une frêle dose de solitude volontaire, emmitouflée jusqu'au cou dans un pull de grand-mère, à grignoter des biscuits secs sur fond de bons vieux morceaux rock.
Pas la moindre motivation pour mettre un pied dehors c'était certain, mais en même temps que le néant qui s'abattait à l'extérieur sur ma petite rue si familière à l'accoutumée, il se produisait en moi comme une envie de chaleur et de rêves disparus, d'évasion et d'absolu.
L'espace d'un instant, et un instant seulement, je quittais ma couverture de cynisme pour me draper de ce mot oublié: l'espoir.
Alors, dans un grand besoin d'idéal, je me pris au jeu d'assouvir enfin mes pulsions littéraires, depuis des mois laissées de côté sous l'emprise d'une vie parisienne haletante...

Ces quelques lignes pourraient bien être une fiction mais elles ne le sont pas.
Le fait est que j'ai réellement passé la plupart de ces dernières semaines à la maison, en mode no-life associable qui n'en peut plus d'avoir froid, et avec une soif de lire intarissable en prime.
Et si j'ai dévoré du bouquin à n'en plus finir, mes envies de lecture au coin du feu m'ont amené cet hiver vers quelques menus coups de coeur littéraires, trois en tout qui, s'ils ne sont pas parvenus à me faire livrer une vraie cheminée et son fauteuil de lecture assorti en plein Paris, ont en tout cas contribué grandement à me charmer, m'émouvoir et me surprendre.
Peut-être même faire naître cet espoir que j'évoque tant et qui me paraît si souvent dérisoire...

*

Ritournelle_de_la_faim

Ritournelle de la faim de J.M.G Le Clézio

On ne présente plus le prix Nobel 2008  qui se lit non sans une certaine délectation, non sans une certaine sensibilité également tant on s'implique dans des personnages qui, bien que lointains, finissent par nous coller à la peau.
Dans un monde bourgeois des années 30 où l'imaginaire se confronte au réel et où l'émotion à fleur de peau dilapide les rêves en haine ou en colère, Le Clézio nous emporte une fois encore, au moyen de sa plume limpide, vers un autre horizon.
Un horizon fermé et oppressant, plein de rancoeur et d'idées vaines, et qui court doucement à sa perte, comme une évidence...
Avec pour fil conducteur la ruine puis la famine, nous suivons alors avec un attachement évident les méandres émotionnels de la jeune Ethel, rêveuse née emprunte d'une naïveté charmante qui sera propulsée d'emblée et malgré elle dans un monde d'adulte et de souffrance.
La complexité humaine y est décrite à la perfection, grave et fragile à la fois, révoltante ou révoltée, nous offrant sur un plateau les affres de la vie dans un grand souci de réalisme qui, souvent teinté de noirceur et de douleur n'en devient jamais sordide pour autant.
Ainsi parée d'une innocence et d'une pureté qui n'ont de cesse de repousser un aspect évidemment sombre et inquiétant, la trame se fait légère et fluide, prodiguant au roman une force incroyable.
L'auteur use de son style inimitable pour faire jaillir de ses mots une intensité maximale, cette intensité même qui bouleverse au fil des pages et nous emporte avec Ethel sur le chemin salvateur de la fuite en guise de refuge d'abord, de la prise de conscience ensuite, puis de l'âge adulte enfin.
Une sorte de parcours initiatique qui se savoure, d'anecdotes en péripéties, dans un amour évident de la littérature.

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L__l_gance_du_h_risson

L'élégance du hérisson de Muriel Barbery

Paris en ligne de mire et une plume jubilatoire et ludique.
J'avais manqué le roman à sa sortie en 2006 et je n'ai pas regretté de combler mon retard bien des années après.
A la fois philosophique et sociologique, l'histoire nous entraîne dans un immeuble bourgeois du 7 rue de Grenelle, à la rencontre de Renée, une concierge pas comme les autres qui, à l'instar d'une culture hors du commun, fait tout son possible pour se cantonner au rôle de la parfaite gardienne, un peu sotte de surcroît,  se terrant alors dans un banal tel qu'elle en paraîtrait presque transparente.
Les situations incongrues se bousculent, les quiproquos se multiplient, les destins se croisent et les personnalités se démarquent au sein de ce va-et-vient drôle et joliment écrit, emprunt parfois d'une petite pointe de cynisme bien sentie et d'une tristesse latente le plus souvent dissimulée.
Un vrai délice aussi de parcourir ces pages emplies d'allusions culturelles, petits clins d'oeil littéraires, musicaux et cinématographiques qui enrichissent et étoffent le livre en même temps qu'ils captivent un lectorat délicat.
La société quant à elle y est mise à rude épreuve, les généralités sont transcendées et c'est au final l'intelligence du coeur qui prime, seul léger bémol sans doute, parce qu'il n'est pas sans apporter parfois à l'ensemble un aspect un peu mièvre que je n'apprécie point.
Fort heureusement, le mordant du roman, son dynamisme, ses personnages secondaires imprévisibles et Renée la magnifique en font un petit livre magique qui se plaît à frôler la caricature avec un telle bonne humeur qu'on lui pardonne aussitôt et qu'on adhère forcément.

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Le_baiser_dans_la_nuque

Le baiser dans la nuque de Hugo Boris

Voguant sur la lourde thématique de la surdité, le roman nous transporte presque d'emblée  au gré d'un univers certes dramatique, mais traité avec une subtilité et une sensualité désarmantes.
Quand l'apprentissage du piano, le partage, le dialogue prennent le pas sur le handicap qui s'abat sur l'héroïne ou la solitude silencieuse du héros et que les mots, fragiles mais profonds, forment peu à peu une mélodie, le baiser dans la nuque devient alors avant tout une véritable histoire d'amour et d'échanges, emprunte d'une poésie enchanteresse qui émeut comme elle déstabilise.
Ce serait presque au fond le récit de destins improbables qui se croisent...
Elle est sage-femme, il est professeur de piano.
Progressivement, le parallélisme entre les deux métiers se met en place et l'obscurité lève alors son voile, constituant ainsi un tout cohérent et métaphorique avec le passage à la surdité qui doucement opère. Les descriptions se font magiques tandis qu'elles se donnent la réplique dans une musicalité des plus exquises, les récits d'accouchements succédant aux leçons de piano, quand la persévérance et le travail côtoient doucement une part de rêve décidément plus abstraite.
Les phrases courtes de l'auteur sautillent allègrement sur la partition de ce récit touchant à souhait, tantôt brutal tantôt pudique, et l'on n'a de cesse d'admirer cette prose si particulière, à presque nous donner l'impression de lire un long poème qui nous transmettrait d'emblée une passion inavouable pour le piano...

-Livy-

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Commentaires
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Dois-je donc te dire merci de me refourguer tous tes cadeaux de noël littéraires que tu ne lis même pas? <br /> Eh bien oui, merci! Ta famille fait au moins une heureuse, et sans même le savoir ^^
J
C'est une très bonne critique littéraire. C'est drôle, l'un de ces livres me rappelle quelque chose mais je sais pas quoi...
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Musy:<br /> Pourquoi pas oui, mais pas tout de suite alors car j'essaie de lire par thèmes en ce moment...<br /> (oui je sais, c'est très étrange ^^)<br /> Te tiens au courant d'ici mardi!<br /> <br /> J.C.R:<br /> Le dernier Max Gallo? Wouah, je reste dans tes bonnes grâces pour parvenir à te le chiper ensuite ;)
J
Par ces temps couverts et maurose, prendre un livre s'avère etre un excellent réconfort: aussi après avoir apprécié tes résumés et tes critiques,(toujours aussi pertinentes) je vais m'offrir le nouvau livre de Max Gallo " La Révolution Française "
M
je peux te prêter tome 1 des orphelins baudelaires<br /> pour commencer<br /> l'histoire : trois orphelins sont confiés à un oncle qui est leur tuteur <br /> l'oncle veut leur héritage mais les enfants sont malins<br /> beaucoup d('humour et de recul de la part de l'auteur<br /> musy
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