Sous les rues de Paris, les Catacombes!
Tout juste adolescente et en voyage à Rome, je ne m'étais pas montrée tant attirée par le Colisée ou le Forum que par une brève descente dans les profondeurs de la cité antique, sur les traces des chrétiens et parfois même de leur martyr. Errant alors dans de sombres couloirs éclairés à la lumière de lampes-torches et des galeries qui donnaient le plus souvent accès à des chambres funéraires, j'avais l'impression d'être une spéléologue d'un autre temps en quête d'une énigme audacieuse et inavouable...
[Parce que vous l'aurez compris, j'adore me faire du super 8]
Aussi, s'il y avait bien une visite que je rêvais de faire lors de mon arrivée à Paris, c'était celle des catacombes de la capitale.
Seulement, si tout le monde paraissait motivé à l'évocation de l'idée et on ne peut plus partant pour tenter l'aventure avec moi, ce n'est que bien des années plus tard, en 2005, que j'ai enfin eu l'occasion de pénétrer le lieu sacré et découvrir ce qu'il cachait...
De prime abord, les catacombes de Paris m'attiraient inévitablement par leur aspect d'avantage mystérieux que morbide et tout l'historique qu'elles gardaient en elles.
Et force est d'admettre que loin d'être déçue, je me suis plutôt trouvée impressionnée par le spectacle se révélant à mes yeux.
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Pour nous remettre un peu dans le contexte, il faut savoir que vers la fin du XVIII ème siècle, le très ancien et très grand cimetière des Innocents près des Halles était en état de délabrement total et, porteur de microbes et d'infections, il devint un véritable sujet de discussion car une crainte pour la population parisienne de l'époque.
Par ailleurs, les cimetières parisiens se comblant de plus en plus et devenant insalubres par la même occasion, on prit la décision de les fermer un à un et de déplacer les ossements dans des carrières souterraines, notamment celles du 14 ème arrondissement, accessibles aujourd'hui au public.
Le transfert s'effectua sur deux longues années, toujours durant la nuit.
Les catacombes étaient nées...
Au final, ce n'est pas loin de 6 millions de défunts qui ont été placés sous terre ce qui revient à dire que les catacombes de Paris sont d'avantage un ossuaire municipal que de vraies catacombes, à proprement parler.
D'autre part, si nous autres visiteurs paisibles ne voyons lors de la visite officielle qu'une infime partie du Paris souterrain, il faut savoir que les "catacombes" en question, souvent des anciennes carrières, couvrent une très large surface de la capitale (pas loin de la moitié) au sein d'un vaste labyrinthe, faisant du sous-sol de Paris un véritable gruyère.
Très en vogue, la "cataphilie" permet une visite clandestine des catacombes pour les plus initiés, que ce soit pour la passion minérale ou dans un but purement festif.
Les descentes s'effectuent alors par le métro, les bouches d'égouts ou encore quelques endroits de l'ancienne "petite ceinture" de Paris. Cependant, les risques d'éboulement, de noyade (certains passages sont en effet sous l'eau) ou encore des problèmes d'orientation rendent l'accès difficile et totalement prohibé, cela va sans dire.
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Mais revenons plutôt à nos moutons ossements.
La visite officielle des anciens cimetières m'a permis de déconnecter totalement avec la vie à la surface le temps d'une plongée dans un autre monde (le monde des morts?!) et surprise autant qu'intriguée, l'aspect du lieu, loin d'être funèbre, m'est apparu très artistique voire théâtral, dans la lignée de l'univers d'un Tim Burton.
Le tout, je ne saurais expliquer pourquoi, dans un réel esprit de recueillement.
Je me suis donc vue circuler, sans plus aucune notion de là où je me situais, dans de sombres couloirs, souvent très étroits, couverts de chaque côté par une multitude d'ossements.
Ici et là, des panneaux indiquant la provenance des défunts, les noms des cimetières.
Une lumière tamisée, mettant en valeur le mystère du lieu et de ses silencieux occupants.
Un son très particulier, curieusement sourd et intense, se répercutant en échos sur la pierre.
Un brin d'humidité.
Et l'étroitesse du lieu qui a pu me pousser malencontreusement à frôler les os d'un geste du bras... Terrifiant!
Jusque là, bien qu'il y ait déjà de quoi se passionner pour l'ambiance émanant de l'ensemble, rien d'incroyable cependant... Mais c'était sans compter la mise en scène pour le moins fascinante, à commencer par cette inscription postée à l'entrée de l'ossuaire:
"Arrête! C'est ici l'empire de la mort".
Dés lors, le ton était donné, la couleur de la visite annoncée...
Les ossements en effet, disposés pour la plupart de façon "artistique", contribuent à cette ambiance hors du temps pour que le voyage dans le passé s'effectue pour le mieux et que le spectateur intrigué s'implique au maximum dans cette visite, revivant l'Histoire du lieu à chacun de ses pas.
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A titre d'exemples, des crânes/têtes de mort accompagnés d'os de formes diverses composent au fil des galeries des sortes de figures décoratives ou encore des frises, toujours créées à partir des ossements, qui se répètent parfois sur plusieurs couloirs.
On pourrait alors penser à une mise en scène glauque et directement sortie du dernier Dario Argento mais qu'on se rassure, il n'en est rien ( et soit dit en passant, dans un autre contexte, j'aime beaucoup Dario Argento ^^): le charme évident du lieu, renforcé par cet aspect que les journalistes et critiques qualifient volontiers et à juste titre de "romantico-macabre", est avant tout un hommage poignant.
Un hommage aux défunts, un hommage au passé, un hommage à l'Histoire.
Et une visite hors du commun de toute évidence.
L'architecture, quant à elle, se laisse admirer au milieu de tous ces ossements sans même s'en rendre compte.
Les piliers, la découverte des carrières, les sculptures à même la pierre évoquent un autre aspect des catacombes, propre à l'histoire parisienne lui aussi: celui des anciennes carrières de la capitale et de leur exploitation industrielle afin de moderniser Paris, leur effondrement occasionnel ainsi que celles des constructions se trouvant au-dessus, leur consolidation, et finalement leur abandon (ou utilisation à d'autres desseins).
Une façon toute autre alors de découvrir notre ville, sa construction, son élaboration et ses anecdotes, le temps de renouer avec le passé grâce à une visite souterraine riche en surprises.
Forte de ces souvenirs, j'avais envie au printemps dernier de retenter l'expérience mais seule cette fois-ci et surtout dans des heures creuses car je me serais d'avantage imprégnée de l'atmosphère historico-mystique si plaisante, plongée dans le silence et la contemplation (n'y voyez aucune allusion religieuse cependant ^^).
En effet, l'attrait touristique des catacombes est plus terrifiant que tous les ossements réunis et s'il contribue au succès du lieu, il n'en demeure pas moins un facteur gênant car les centaines de touristes qui s'y pressent chaque jour dans des éclats de rire et des bribes de conversation font, à mon grand désespoir, perdre un peu du charme de la visite.
Mais les catacombes, déjà fermées pendant de très nombreuses années, ont encore été l'objet de trois mois de travaux intenses, tendant à l'amélioration de la sécurité du lieu, la mise en valeur des reliques et la contribution à rendre les visites plus ludiques encore.
Un scoop: elles viennent de ré-ouvrir il y a peu!
Leur accès m'a donc été impossible au moment voulu et si j'ai été déçue sur l'instant, je suis à présent ravie de savoir que je pourrai découvrir et admirer très bientôt la galerie de Port-Mahon fermée depuis 1995 et regroupant apparemment des sculptures inédites, gravées dans la roche.
Nul doute évidemment que je vous en reparle très bientôt!
Et si vous daignez comme moi, oser vous expatrier à l'ombre en plein été le temps d'un après-midi, voici quelques informations utiles:
Catacombes de Paris
1, avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy
75014 Paris
Tel: 01 43 22 47 63
Métro: Denfert-Rochereau
A bon entendeur...
-Livy-