Mon quart de siècle
Je sors de chez moi flanquée d'un rhumatisme virtuel. Toute engourdie encore par mes douze heures de sommeil le dos coincé contre ma bouillote, je file au marché tâter du produit bio qui vient de nos campagnes. Là-bas, devant l'étalage des produits laitiers [pures sensations ^^], je rencontre madame Michu qui me fait un brin de causette. On parle cuisine "Ah mais ça, j'vous l'avais bien dit, on en mange d'la saleté de nos jours!", ménage, télé-achat. On évoque aussi la santé de nos condisciples. C'est que ça ne s'arrange pas l'arthrose de la veuve Martin... Je rentre à la maison préparer le repas. Il est midi pile quand je me mets à table. J'allume mon poste de télévision parce qu'à cette heure, il y a des jeux. Plus audacieuse encore, j'envisage même une petite sieste devant "les feux de l'amour" avant de rejoindre Odette et Jacqueline pour une belote autour d'une verveine-menthe...
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Scénario non vécu [enfin, je crois].
Je fais simplement une crise de paranoïa aigüe et délire allègrement sur mon nouveau statut de vieille peau.
A m'imaginer devenir acariâtre et aigrie. Ronchon. Associable. Un sweat polaire greffé à moi.
[Fichtre, je suis déjà comme ça!]
Sinon, tout va bien, j'assume à merveille et ça se voit.
J'ai juste remarqué de petites ridules naissantes sur le coin gauche du coin droit de mon front, formant un angle à 70° avec la ride d'expression nouvelle qui borde ma bouche.
Mais évidemment, ce léger détail ne me traumatise nullement.
Pas plus que la mini-vergeture violacée venue se lover contre ma cuisse et que je tente d'ignorer sans succès.
Loin de moi l'idée d'une quelconque angoisse, non.
Aujourd'hui après tout, je n'ai [que] 25 ans...
Et je me souhaite un joyeux anniversaire parce que je suis narcissique.
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Ah, je les entends déjà, les seniors, me dire combien je suis jeune.
Hélas, ils n'y comprennent rien.
Jeune, je ne le suis pas, je ne le suis plus.
Jeune, je l'étais quand je pouvais faire des batailles d'eau sans entendre parler de mon immaturité, que je ne pouvais m'empêcher de mettre des bulles sur les "i" et que j'avais au moins un fou rire par jour.
C'était l'époque bénie où j'ignorais encore tout du mot "cynisme" et où je rêvais d'un monde meilleur en comptant les éléphants roses qui défilaient autour de moi lorsque j'écoutais Tryo ou Pierpoljak.
Des posters étaient placardés sur tous les murs de ma chambre, dissimulant l'ensemble du papier peint. C'était affreux mais je trouvais mes idées-déco absolument magnifiques.
Je collectionnais les flacons de parfum vides et éparpillais partout mes tubes de gloss saveur "vanille bourbon des îles" [ignoble].
Mon héros s'appelait Kurt Cobain, ce qui désespérait mes parents parce qu'apparemment, il se droguait très légèrement...
Je passais des heures sur la Nes que je jugeais démodée, la super Nes étant vraiment à la pointe de la technologie.
Je m'arrachais des cheveux à la pleine lune pour les enterrer avec quelques gouttes d'huile d'ylang-ylang, formant ainsi un talisman pour que celui que j'aime, jamais ne me quitte...
Je passais par différentes phases vestimentaires tordues, simple problème identitaire [par ordre chronologique: grunge, hip-hop, pantalon jaune en velours, skateuse punk, zèbre et panthère, gothique] ornées de jolies erreurs capillaires aussi [oui j'ai eu les cheveux rouges, et alors?].
Mon plus grand problème dans la vie était ce fichu DST du mercredi matin et si, oui ou non, j'avais mes chances avec Machin [le garçon par excellence que toutes mes copines jugeaient immonde ^^] qui était à coup sur l'homme de ma vie, avec tous les autres garçons aussi.
J'avais un "tatoo" pour communiquer parce que j'étais une fille moderne :)
Je me voyais égyptologue à 25 ans, après un périple autour du monde façon "Sydney Fox, l'aventurière", et avec le permis de conduire de surcroît, mais cela devait ne pas être.
Je m'imaginais défendre de grandes causes comme le sauvetage des baleines turquoises dans la contrée du Marsupilami du sud-est parce que j'allais peut-être déjà trop au cinéma et qu'à l'époque, je n'étais même pas encore blasée!
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Alors amis seniors, oserez-vous donc me dire après tous ces arguments de poids que je suis encore jeune?
Dinosaure je suis, née à un autre siècle et dans un autre millénaire, sans msn ni téléphone portable, dans d'occultes années où la dance music régnait en maître dans les boums que vous ne connaîtrez jamais parce qu'à 11 ans, vous fréquentez déjà les Planches ^^
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Aujourd'hui, je Suis.
L'ère du changement pour moi est arrivée, nouvelle mutuelle à la clé, abandon du livret jeune et adieu déchirant à la carte 12-25.
C'est que j'en finirais presque par payer "plein tarif" mon entrée dans les musées!
Oui, l'heure de la presque-vieillesse a enfin sonné,
Et ça me fait tout bizarre rien que d'y penser,
Parce que je n'aime pas voir le temps défiler,
Mais étrangement pourtant, je me sens la même chaque année!
-Livy-
BONUS
--> Katerine - Louxor, j'adore <--
Parce que c'est bientôt mon tour d'être une katerinette!
Dinosaure, j'adore :)